jeudi 15 octobre 2009

Les transfuges

Des deux côtés de la Ligne de Démarcation, on s'affairait. Les états-majors s'étaient réunis dès le crépuscule du jour finissant. Au sein des quartiers généraux des deux camps, une certaine nervosité était palpable, les gouttes de sueur perlaient en nombre sur les front plissés.
D'un pas alerte, le Général Kalifa s'extrait de la Jeep, et regagne sous une pluie fine, le quartier général de la Première Armée où se tient une réunion de la plus importance. Le Commandant des Forces Suprêmes, le Maréchal Ory l'attend au rapport. Devant les plus haut gradés des forces Panthéonniennes, le Général expose à ses supérieurs, le plan d'échanges de prisonniers négocié avec l'ennemi. D'une minutie rigoureuse, Kalifa, une fois son exposé achevé, regagne la cour, où l'attend le véhicule sanitaire qui doit le conduire à la Sorbonne.



Le zèle du Général Kalifa savait être apprécié au sein des Forces Panthéoniennes. Certains le préssentaient pour occupper le commandement suprême, une fois le Maréchal Ory trépassé. On murmurait du reste, que l'illustre chef de guerre en avait fait officieusement son héritier, le dépositaire exclusif de sa grandiose oeuvre. Au reste l'opération qui mobilisait le général cette nuit-là, devait se dérouler sous les meilleures augures, l'ennemi ayant pour une fois, tu sa légendaire perfidie.
L'ennemi n'était autre que l'Unité Franchement Réactionnaire, dirigé par le sanguinaire et vieillissant Sous-Maréchal Luc. Secondé par le Commandant Barjot, et le Lieutenant Grondeux, il avait édifié au sein de l'Université Paris IV, un régime autocratique et corrompu. Il poursuivait en celà, l'oeuvre du Chancelier Jean-Robert Pitte. Sous sa férule, la liberté d'expression était baillonnée, toute sédition réprimée dans le sang. Le Président Molinié qui avait voulu démocratiser la Faculté de Sciences Humaines, était retenu illégalement dans ses quartiers par les troupes du sous-Maréchal. Dans une cellule étroite et insalubre de 140 m², le dirigeant légitime, rédigeait ses mémoires, en attendant sa prochaine exécution.

Nul ne sait encore aujourd'hui depuis combien de temps, ce conflit larvé perdure entre les deux universités. Une trève des plus fragiles avait été contractée voilà quelques années entre ces entités soeurs, et pourant ennemies. Il en fallut de peu pour que le conflit ne reprît, et fassent comme par le passé, d'innombrables victimes. La paix s'éloignait à chaque fois qu'on la pensait acquise. Les motifs de frictions étaient du reste trop nombreux, et aucune mission de médiation ne parvint à réconcilier les deux factions.
L'époque était à la méfiance mutuelle. On se livrait, dans chaque camp, à la propagande, pour déstabiliser l'adversaire. Les murs de Paris IV comptait de nombreuses affiches où l'on incitait à la plus infime prudence. L'ennemi était partout, épiait les conversations, s'infiltrait à tous les postes de commandement. On mobilisait tous les efforts disponibles pour dissuader les étudiants de rejoindre le bloc Panthéonien, et l'on raillait avec force le "Paris I way of life". Au delà des campagnes d'informations officielles, il arriva de façon fréquente que le sous Maréchal Luc se livrât à des purges. On fit notamment grand cas lors du procès de Nathalie Mata-Hari Pranchère, de l'important nombre d'éléments séditieux au sein de la faculté.

Cette nuit-là, le sanguinaire Luc avait revêtu son long manteau noir en cuir, et sa casquette d'officier. Il se trouvait dans la cour d'honneur de la Sorbonne, d'un côté de la ligne de démarcation, accompagné de sa maitresse, la trop célèbre Frau Duval. Les troupes de l'UFR amenèrent, d'un pas pressé, les prisonniers qui devaient retrouver leur patrie, suite à l'accord conclu avec le Général Kalifa. Ce dernier arriva sous les coups d'une heure du matin. La pluie gagna en intensité. Kalifa fit signe à ses troupes d'extraire du camion, les quatorze otages qui s'étaient auparavant rendus coupables de haute trahison, pour le compte du peride Luc.

On fit d'abord passer dans l'autre camp, les dissidents de Paris IV, qui franchirent la ligne avec entrain, avant d'être conduits au sein d'un camion sanitaire, où leur serait servi un repas décent, le premier sans doute, depuis leur séjour dans les geôles de Luc.
L'opération se déroula selon la convention décrétée entre les deux parties. Vers une heure et quart, on se quitta. Kalifa et Luc se fixèrent en silence tout le long de l'échange. Dans leurs yeux, pouvaient se lire une haine sourde, qui s'exprimerait sans doute au prochain déclenchement de violence.
Le convoi panthénonien regagna le treizième arrondissement, et la rue de Tolbiac. Dans le véhicule sanitaire, les transfuges, malgré leur santé défaillante, laissaient libre cour à leur joie d'avoir déserté le lieu de perdition qu'était devenu Paris IV sous l'égide de l'UFR.
Désormais, la liberté s'offrait à eux. Offerte, à conditon de s'acquitter des droits d'inscriptions. Moins prohibitifs que dans le camp d'en face. Ce qui était déjà ça.

mardi 22 septembre 2009

Lettre de (dé)motivation

Cher Prézident,

Je dois t'avouer mon léger agacement devant les tracasseries administratives rencontrées alors que je postule à demeurer l'an prochain dans ton université.

Il m'a été notifié qu'en plus de m'acoquiner avec un directeur de recherches, je devais t'écrire une missive dégoulinante pour te persuader de ma bonne volonté quant à mon hypothétique séjour chez toi.
Je trouve la démarche un peu désuète, pour ne pas dire croquignolesque. Une commission se réunira sous peu une fois mon dossier réceptionné pour statuer sur mon cas, savoir si oui ou non, je peux faire partie intégrante de vos meubles l'an prochain.

Me plier à cet exercice, qui consiste à sombrer dans la flagornerie, m'ennuie. Surtout qu'il est peu probable que tu lises la missive en question, tu as sans doute mieux à faire, dans ton emploi du temps surchargé, que de t'épancher sur des lettres manuscrites sirupeuses d'étudiants à l'orthographe aussi douteuse qu'un membre du cabinet de Luc Chatel.

Je t'imagine à l'écoute attentive d'un discours prononcé par un éminent sinologue lors d'un colloque où il sera question de l'influence de la pensée confucéenne en Bas-Cantal, et voir ta secrétaire, débouler en pleine amphi', les bras chargés de lettres de motivation:
-M'sieur le Président, on en a reçu une soixantaine, rien que ce matin. Faut vous grouiller, on en attend une centaine cet après-midi!

Nous savons très bien toi et moi, que c'est la commission mentionnée plus haut qui lira cette fameuse lettre, tout en analysant mon (si peu) reluisant dossier. Je les imagine déjà se gondoler à la lecture de la bafouille. -'Tain, le naze. En plus, il pue son sujet de mémoire.
Et devant la pile de dossiers d'étudiants paumés, de plier les gaules, d'aller boire un canon au Balzart, tout en pensant ému, à cette jeunesse désoeuvrée, dont l'avenir est aussi réjouissant qu'une carrière de cadre moyen chez France Telecom.

J'ai rencontré un professeur de ton université, afin de déterminer les contours de mon sujet de mémoire. Le tout avant d'entamer les inscriptions adminstratives, ce qui ne manque pas de piquant. Le type en question, dont je tairai le nom par principe, est un mec assez génial, je dois te l'avouer. Il fut enthousiasmé lors de notre entretien, à la seule idée que je fusse interessé à l'idée d'étudier l'histoire des marges. Nous avons convenu que mes recherches s'orienteraient sur les anarchistes illégalistes à la Belle époque.

C'est dire si je suis réjoui à l'idée de travailler avec le sieur en question. Et que je demeure fort peiné d'avoir à faire des courbettes pour que me l'on permette d'entamer mon deuxième cycle universitaire. Surtout que je pense avoir suffisamment douillé les trois premières années, niveau génuflexion.

Tu dois mesurer désormais mon sincère entrain quant à mon envie de vous rejoindre. Alors, je t'en prie, ne mégote pas, fais pression sur la commission en question, pour que je sois admis de plein droit chez toi, mon canard.

De plus, je suis assez accomodant comme type. Du moment, que mes études me laissent le temps de brasser un peu d'oseille à côté, et de poursuivre mon apprentissage des arts dramatiques, je ne ferais pas le diffcile, et te promets de ne pas foutre le bocson avec les oies de "Sauvons l'Université".

On m'a aussi glissé que les nanas étaient assez chouettes par chez toi. Du genre à pas faire les difficiles dès lors qu'il faut se dévêtir, à être bien balancées, et pas prises de têtes pour un rond. Que les gonzes, eux, sont tous plus ou moins affiliés à la Julien Coupat Appreciation Society, ce qui promet de belles conversations, sur la décriptiude de la société spectaculaire-marchande.

Pour conclure, je te prierais d'observer, qu'une rentrée de flouze supplémentaire avec mon arrivée, constitue un argument de poids pour m'ouvrir grand les portes de ton pénitencier.

Je te prie d'agréer mon canard, l'expression de mes salutations aussi distinguées que les agitations éthyliques de Amy Winehouse.

T'as le bonjour du frisé.

samedi 4 juillet 2009

Potrait (1)


Selon Ivan Oulianov Al-Zarqawi, tous les maux de l'humanité s'expliquaient. Un seul phénomène était à l'origine des désordres ébranlant le monde: le sionisme.


-Ivan Oulianov, j'ai mal au dos... J'ai du dormir dans une mauvaise position!
-Non, non... Cherche pas, c'est le SIONISME!


Ainsi l'étudiant russo-syrien arrivait-il à mettre un nom sur ce qui minait l'âme de ses amis.


Tapis dans l'ombre, les sionistes dominaient le monde, s'enrichissaient sur le dos des miséreux, et sapaient par leur emprise, l'expression de tous les particularismes identitaires et régionaux. La globalisation, l'économie financiarisée, étaient leur oeuvre.
Et c'était toujours plus au moins de la faute d'un médecin épris des préceptes de Théodore Herzl si des pandémies meurtrières ravagaient des continents entiers.

L'ordre mondial qu'il stigmatisait constituait à ses yeux une entreprise sournoise visant à placer nos esprits et nos corps sous la coupe réglée d'une minorité de génocidaires plus ou moins avoués.
Notre ami se défendait d'être antisémite. Réflexe commun à toute la plèbe des vindicatifs, il se justifiait en aguant qu'il comptait nombre de camarades juifs.

-Oui, les youpins, j'en connais des sympas!
Il était fréquent que l'étudiant mît mal à l'aise ses contemporains. La sympathie qu'il témoignait pour la clique obscurantiste du régime iranien, en faisait glousser plus d'un. Tout comme le badge avec le portrait de Mahmoud Ahamdinejad qu'il arborait à sa veste en toutes circonstances.
-C'est un fou le barbu! Il pend les homosexuels, il est négationniste, et truque les élections d'une façon encore plus visible que la société Endemol!

-Peut-être... Mais il est souriant, affable, et aime son peuple! Vous êtes trop "occidentalistes", vous autres bien-pensants.
La bien-pensance était pour lui la pire faute de goût. On pouvait se balader, enfoncé dans un loden au mois d'août, avoir à ses pieds des chaussettes en dessous des sandales, et être coiffé d'une coupe "mulet", pourvu que l'on déteste conjointement l'Oncle Sam, Israël, et les baklavas de fabrication industrielle, on était digne de demeurer en sa compagnie et d'avoir son estime entière.


L'étudiant dont la chambre était tapissée de posters scintillants à l'éffigie de personnages haut en couleurs tels Vladimir Poutine, ou l'humoriste Dieudonné, vit pourtant un jour se braquer contre lui nombre de ses camarades d'infortune.
A une soirée de fin d'année scolaire organisée sur les quais de Seine, il vida à lui seul une bouteille de vodka et but au goulot d'une seule traite une autre de tequila.
-Ivan, t'es un gros dégueulasse, t'aurais pu nous en laisser...
-C'est pas moi, j'vous dis, c'est pas moi.... C'est le sionisme!!!!

Pourtant ce soir-là, on peina à constater la présence d'un agent du Mossad au niveau de la faculté de Jussieu.
On objectera que notre ami est légèrement paranoïaque, voire de mauvaise foi. Ce serait lui faire un mauvais procès.




mercredi 1 juillet 2009

De la petite vertu des gens d'université



Les étudiants de notre estimée Sorbonne formaient un peuple heureux.
Et pour cause, ils gravitaient dans un sanctuaire de l'intelligence dont l'histoire pluri-séculaire avait achevé de l'ériger en un lieu mythique.

On lisait la fierté sur leur visage à leur entrée dans la cour d'honneur. Leur pas était conquérant, et leur torse s'en trouvait bombé. Tel le nouveau riche qui goûte à sa nouvelle condition au risque de sombrer dans le grotesque, ceux des potassants qui erraient dans notre faculté, en jouissaient sans entraves.

Ces gens nourrissaient un attachement sincère à l'endroit. A un point tel que leur maintien s'en trouvait parfois relâché.
Cette plèbe avait ses travers. Et s'avachissait à intervalles (très) réguliers dans une mesquinerie qui eut de quoi faire sourire, pour peu qu'on en fusse épargné.

Parfois lassés de n'avoir que des sujets de haute tenue en guise de conversation, les étudiants aimaient à partager entre eux leurs petits secrets. Expert(e)s en ragots trouvaient là de quoi s'épanouir, eux dont le quotidien était synonyme de morosité, avaient ainsi l'occasion de conjurer la petitesse de leur sort, en émettant rumeurs, le plus souvent infondées, salissant la réputation d'autrui avec une jubilation notoire.

Malheur à celui ou celle, qui l'âme légère et fragile, tel le jeune Werther de Goethe, se confiait à une personne en laquelle il plaçait sa confiance. Son vague à l'âme, les sentiments nobles et discrets qu'il entretenait, pouvaient être l'instant d'après connus de tous.

Ces gens qui parfois s'ignoraient, ne s'adressant que des salutations timides, quand ce n'était pas l'indifférence qui présidait à leurs relations, se connaissaient pourtant à travers les rumeurs qui circulaient en ces murs.

On savait qu'untel était un piètre amant, que celle-là était une fille de mauvaise vie et vectrice de chouettes infections au niveau du pilou-pilou, qu'un autre avait l'haleine honteusement fétide, ou que cette fille-ci, souffrait d'une maladie incurable.

Il fallait voir les yeux pétiller, les têtes se pencher pour écouter avec une attention redoublée les bruissements impudiques, ou les cercles de gens se former quand un petit(e) polisson(ne) s'adonnait à la bassesse.

Ces gens qui se préparaient pourtant à devenir l'orgueil futur de la nation, et qui pour des raisons parfois aussi infondées que les échos de latrines qu'ils s'échangeaient, avaient une estime très haute d'eux-mêmes, plongeaient ainsi dans la vilénie avec un aplomb redoublé.

Les années, les diplômes, et un phénomène appelé maturité auraient du les éloigner de ces travers qu'on impute de façon plus générale à des collégiens, ou des lycéens, sur qui le sort s'acharne comme les maladies de peau.

Tous sans exception, les esprits les plus hauts, comme les andouilles congénitales, se vautraient dans ce petit passe-temps infamant qui consiste à diffamer ou taquiner l'orgueuil de son prochain.
Certains contenaient pourtant leur attrait à ce jeu qui ravale le futur thésard au rang de la shampouinneuse de province. Mais un grand nombre y consacrait une énergie déraisonnable.

A l'occasion de ces dernières semaines qui furent consacrées à la chienlit, et à opérer une répétition générale en vue de l'explosion sociale qui se profile joyeusement, notre aimable université s'était transformée en théâtre de la cruauté qui aurait effrayé jusqu'aux vautours nobliaux des romans de Simenon.

Les Candide s'en retrouvèrent à jamais déconsidérés. Qu'ils fussent d'un camp ou d'un autre, la rumeur constituait une arme de destruction massive que n'aurait pas dénié dénicher un G.I dans le désert irakien.
A présent que sonne l'heure de la fin d'année, gageons que la vilénie se taira un peu chez ce peuple turbulent.


En attendant, l'envie nous taraude de vous faire partager un de ces bruits qui a animé les conversations de par notre flamboyant édifice. Le conditionnel est de rigueur, jugez plutôt: "Les étudiants seraient des honnêtes gens."

Stupéfiant, non?




Illustration: Norman Rockwell, The Gossip.



Texte à savourer avec l'écoute de la Poullailler Song d'Alain Souchon ou la triste mais révélatrice chanson de Jacques Brel, Ces gens-là.

dimanche 28 juin 2009

Salut l'artiste


Notre consultant têtes couronnées et têtes à claques, Mazarin Mitterand, rend hommage à celle dont nous pleurons aujourd'hui la retraite.





Préférant ne pas sacrifier son temps à des adieux douloureux, Nathalie s'en est allée retrouver sa Corrèze natale.


Dans le coeur de chacun, subsiste une pense émue à son sujet. Nathalie, habile synthèse moderne de Rosa Luxembourg et de Louise Michel, fière flibustière, incontournable batailleuse, personnalité espiègle et délicieuse, frêle naïade au minois délicat, a provoqué durant son séjour parisien bien des manifestations d'allégresse d'un public nombreux aujourd'hui terrassé par le chagrin.


Nathalie partie, c'est un ersatz d'innocence et de fraîcheur dont nous devons déplorer la perte. C'est un esprit intègre et incisif dont le manque se fera cruellement ressentir à présent que son départ vers Tulle est consommé.


Les pleurs sont nombreux chez ceux qui témoignaient pour cette jeune femme une admiration sincère, semblable à l'adoration que l'on réserve aux grands hommes.


Sensible et généreuse, impliquée de façon permanente pour la défense des opprimés de par le Monde, "mademoiselle Sage-Pranchère", comme elle fut nomée par ses élèves courtois et admiratifs, a démontré l'étendue de sa gentillesse, en soutenant moralement des étudiants meurtris par la méchanceté des gouvernants et l'absurdité d'une société rongée par les maux de l'indifférence et du mépris généralisé.


Obstinée devant la vilénie des gens de pouvoir, acquise aux idéaux les plus généreux, son combat sera désormais assumé par une relève de jeunes gens qui se souviennent la voix tremblante de sa silhouette frêle et de ses yeux pétillants.


L'incommensurable douleur dont nous sommes tous empreints dès lors que la nuit de son manteau noir vient susciter en nous une mélancolie douce et feutrée, laissera la place à une joie immense dès lors que son retour au sein de la capitale sera acquis.


En attendant, c'est le regret de ne pas avoir pu partager le temps d'une soirée, une conversation enlevée, qui est partagé par nombre de ses groupies, qui depuis la connaissance de la terrible nouvelle ont perdu l'appétit.


Les Cévenols, les maîtres de conférence lusophones, comme les autres sont endeuillés. Paris qui vit ces derniers jours au rythme d'une chaleur écrasante, se souviendra longtemps de ce chouette petit bout de femme, qui consacre désormais son temps à la prospérité future d'un potager qu'on envie en raison du soin délicat qu'elle lui porte.


Comme ses concombres et ses tomates, chacun d'entre les marauds qui l'ont cotoyée aimeraient à être frolés par ses doigts d'une émouvante finesse.


Nathalie a sa place permanente dans nos coeurs et nos esprits, la reconnaissance de ses innombrables mérites par une patrie universitaire endeuillée, démontre l'attachement indicible à sa personne au sein d'une corporation, qui n'a désormais plus que ses mirettes pour chialer.





Mazarin Mitterand, Panégéryque pour Nathalie, éditions Fayot.




mardi 23 juin 2009

Examen de conscience

Le tumulte passé, il fallut que les choses reprissent leur cours naturel.

C'est ainsi que notre vénérée institution en avait décidé.
Le ministère l'ayant sermonné comme on le fait pour un enfant turbulent, notre président, ce si fier militant, se vit contraint d'organiser une session d'examens pour les étudiants.

C'est ainsi qu'en conformité avec les conseils de l'université, fut préconisé d'organiser des épreuves raccourcies en raison des quinze longues semaines de chahut, afin de ne point trop pénaliser les étudiants.

On décida donc d'alléger le programme des révisions, qui devint rachitique. Fut aussi adoptée l'idée que la durée des examens serait sensiblement réduite.

Cinq semaines de cours plus tard, les étudiants étaient donc invités à plancher. Certains se réjouissaient de ce cas de figure, tablant sur une hypothétique indulgence du corps enseignant. D'autres craignaient que ce dernier n'en profitât pour taquiner les espérances béates de cette jeunesse tumultueuse.

Nous nagions une fois de plus dans des eaux absurdes. Mais comme nous y étions accoutumés, peu de voix s'élevèrent pour railler les palinodies du sieur Molinié, qui avait pourtant défendu une idée consensuelle, celle de la neutralisation.

On convoqua donc l'étudiant à potasser. Certaines épreuves où la durée n'excéda pas une heure furent houleuses, car à peine une idée fulgurante ayant chatouillé l'esprit, il fallait rendre copie, et céder la place à d'autres, qui étaient invités à partager le même sort.

Le taylorisme s'invita donc dans nos murs. On abattait des séries d'épreuves, comme on travaille à la chaîne, de façon industrielle, et sans intelligence.

Le plus important était que ce simulacre s'achevât dans des délais brefs.

Ceux des étudiants qui ricanaient à gorge déployée de ces absurdités furent confortés dans l'appréciation qu'ils portaient envers l'université. A savoir qu'il était temps que ce système ne tombât à terre. Et que s'érigent enfin des centres de savoirs largement accessibles, où l'on élevait les esprits, où l'on produisait autre chose que du bourgeois, ou du citoyen-chair-à-patrons.

jeudi 21 mai 2009

Dialogue de sourds façon Céline

Foutre!
On dirait que la paix est revenue! Un armistice à la drôle de saveur... Docteur Destouches, c'en est fini de la bataille! Le clairon a sonné, et on mettra du tricolore à toutes les fenêtres, pour marquer le coup...
L'immonde bête versaillaise, la Pécresse, là, bah elle leur a mis une jolie raclée aux obstinés... Dans l'os, même.
Foutrement arrogante, la grande gigue! Une jolie blonde du reste... A l'extérieur, parce que dedans c'est autre chose!
Et les boutonneux et les grandes consciences qui menaient la fronde, eux, n'en ont plus que pour leur Molinié... Dame! On m'ôtera pas l'idée, un peu sotte ceci-dit, que ces gens-là, sont des drôles, une Guignol's Band, à eux tout seul.

-Eh, Bardamu, arrête-là ton charabia veux-tu! Et de déconnarès sur la pomme de tes potos, tes camarades d'infortune. C'est pas du propre, ça!

-Molinié, avec son dentier de travers, et son élocution toute aussi ravagée, bah, c'est une sorte de martyre à présent! Nous a fièrement défendus, le stylisticien, qui fait aussi office de taulier!
Moi les tauliers, j'ai toujours eu que du mépris pour eux... Sale garnement, va! Et d'en faire des martyrs, je trouve ça croquignolesque à souhait...
Insensé, je dis, d'ériger en becté par les fauves façon Colisée romain, un gars qu'est en rien un tupamaros...

-Puisqu'on te le dit, foutre, que c'en est un! Vachard que t'es, à de gondoler de cette façon! Terré comme un lapin de garenne, t'étais toi, tandis qu'on frondait, nous... Devant ta téloche, à te refaire tout le ciné des années 40, l'Hollywood de Hawks, Houston, Fritz Lang! Ou à empoigner ta tige pour lui faire cracher des immondices!
Le courage t'étrangle pas, toi...

-Ouais, d'abord, planqué que je suis!
-Perdre son temps, en arpentant les troquets Rive Droite... A refaire le monde, tout seul, dans ta turne! Toi et ta cervelle étriquée... Où étais-tu, pendant le drame? Comme les rats, tu fuis, et la lâcheté t'effraie pas! Tu t'en accommodes, tu t'en glorifierais presque...
Le magyare du Faubourg Saint-Honoré, nous fait la misère, et toi tu t'en cognes! T'as même pas chopé la Princesse de Clèves, en librairie! Fallait nous voir sur les marches du Panthéon, en train de déclamer du Madame de Lafayette! Même des arrrrrrtiiissssses... Qui nous ont soutenus! Du bobo théâtreux, la gueule respectable, et le costard en étoffes bien mises! Sauver la littérature, et l'université! La recherche, et tout le bastringue!

-Monstrueux, que je suis, et j'assume! Je n'entends rien sauver de ce monde en loques! Dans le tracas, que je suis, dès qu'il s'agit d'agiter son fessier et sa bonne conscience. Je n'ai pas le même aplomb que vous. Vice terrible que le mien... Au bagne et au poteau, pépère! Examine ta conscience, fais la reluire, mets-y un adjectif dessus! « Le ténia qu'il a » disent les sangsues en coeur! Mes directeurs de conscience! Charogne, que je suis! Dégueulasserie, et tout le tintouin! Ça devrait venir me tarabuster, la nuit, quand je tente de trouver le sommeil, la joue collée contre l'oreiller. Remué dans le plume, à m'en arracher la touffe!

-Débiné, que t'es! Et tu t'en vas les continuer tes vacheries! Ta sournoiserie affreuse, ton méthodique persiflage, ta pédanterie crasseuse!
-Ouais, tu l'as dit bouffi! Et toi t'iras faire le beau avec le môme Besancenot! Les joues de rongeur, et les bonnes intentions! T'iras voir les pue-la-sueur, défendre la misère de Saint-Salarié! Tu verras ce que c'est qu'une usine, la myriade de prolétaires qui s'usent la santé pour peau de zob! Initié, que tu seras! Dans la cour de ces prisons qui disent pas leur satané nom, tu participeras à des A.G autrement plus animées que les nôtres.... Des AAAAAgéééééééééééssssssssss! Foutre! Génialissime spectacle que celui-ci! À s'en décrocher la mâchoire! Les pleureuses et les vilains qui s'y écharpent, à grands renforts de mots de singe, et bah, y'a pas à dire, ça va me manquer! C'était Voyage au bout de l'ennui, où je m'y connais pas...

-T'es rien que de la saleté! Tartuffe! Versaillais! Louis-Philippard! Thermidorien! Hitléro-Trotskyste! Vantardise et suffisance!
-Ouais, et toi aussi, tu l'as épousée la suffisance! Même que c'est ta catin favorite! Vous allez rejoindre le caveau ensemble! Mariage heureux, je prévois!
Quand tu feras le journalisse' ça te suffira... Tu découvriras ce que c'est! Tu cracheras sur les loquedus, comme la mère Rollot l'a si bien fait! Ah la damnée salope! Si la rosette lui pend pas au nez, là encore, je ne m'y connais pas...
Et la mère Duval, n'en parlons pas. Rien qu'à évoquer son blaze, ça me cause des trucs de dedans tubulure!
Plus sérieusement, si c'est mal barré pour moi, pour toi, je prédis rien de grandiloquent! Vénérer conjointement et benoîtement Obama et Besancenot, faut le faire! Le crypto-libéral et le crypto-trostskard! Hollywood et le fils Krivine! Je me paie ta fiole, c'est de bonne garde! C'est toujours toi qui sera dans les starting-block, le premier jour des soldes! L'union de Karl Marx et d'H&M! Foutre bon dieu de couple! Blockbuster et Commerce équitable! Nike et développement durable! La bonne conscience dans la besace, et la prostate chancelante! T'en reviendras, va, du tumulte. Plus beau, plus propre, plus moutonnier que jamais!
T'as la vie devant toi! Et belle en plus!

vendredi 15 mai 2009

Ordurerie

Chère Valérie,

Permets-moi de réagir. Je m'adresse directement à toi, car tu es ma ministre de tutelle, et que tu prétends "me donner des preuves d'amour".

Déjà, tes sentiments, tu peux te les carrer où je pense. Excuse moi cette impolitesse, prélude à beaucoup d'autres.

Si la situation est aussi pourrie, ce n'est que de ton exclusif ressort. Tu me répondras que je suis entouré de gens de mauvaise volonté, et orientés politiquement.

M'en fous. Déjà, je m'entoure de qui je veux.

Je ne reviendrai pas sur l'étendue de ta lâcheté. Ni sur la servilité borgne que tu démontres à ton patron. Après tout, tu as choisi d'être là où tu es. Aucune mansuétude. Je laisse ça aux curetons, vois-tu.

Aucune raison non plus que je revienne sur ces quinze semaines de conflit.

Laisse moi simplement te signifier mon mépris le plus profond.

Avec ma graine d'ananar, tu ne pouvais pas t'attendre à mieux.

Tu t'es permise quelques libertés et traits d'humour fielleux sur notre compte. Et ça, tu en as le droit, mais j'entends qu'il soit à l'avenir très limité.

Tu t'es exprimée sur Fun Radio récemment. Sans doute espérais-tu convaincre les derniers flibustiers de cesser au combat, et rassurer la jeunesse de France sur la scélératesse de tes projets.

Sauf que les jeunes n'écoutent pas Fun Radio. Dommage pour toi. Ils n'ont pas la cervelle assez ratatinée pour écouter une station qui diffuse de la musique débilitante programmée par des gonzes cocainés tous plus ou moins syphilitiques.

En dehors de quelques garçons de café provinciaux, ou de quelques shampouineuses seine et marnaises, qui écoute Fun Radio?
C'est nul d'avoir choisi cette radio. Ce n'est pas la première fois que tu te ridiculises avec applomb, et c'est pas moi qui vais chialer.

La seule chose que je te demande, c'est de partir, loin. De nous lâcher la grappe, car la patience, comme ton esprit a ses limites.

Je veux mon semestre neutralisé, ou obtenu avec facilité, t'entends?

Et malgré ton opposition, je compte l'avoir. Et tu ferais mieux de me donner ma licence. Comme ça, je ne moisirai pas plus longtemps dans cet univers moisi qu'est celui des facultés.

Je te préviens, Valoche, je suis un comité inivisible à moi tout seul.

Obtempère sous ma sainte menace, sinon, je ne réponds plus de rien. C'est jamais agréable de trouver de la merde de chien sous son paillasson le matin, alors obéis.

Voilà, mon ultimatum. Mes conditions. Et celles de tous mes copains, qui sans leur accord, m'ont délégué la responsabilité de cette lettre ouverte.

mercredi 6 mai 2009

Reporter de guerre

La Sorbonne est prise en otage. Nous le savions déjà, et pas seulement grâce au concours de la presse nationale, qui se montre aussi raisonnable qu'un Frédéric Lefevbre dès qu'il s'agit d'aborder la question des conflits sociaux.
Ce que la presse ignore, c'est le climat sordide qui y règne. La Sorbonne est désormais désertée par ceux qui la faisaient vivre. Elle offre le même spectacle désolant que Beyrouth après un raid de l'aviation israélienne.


Une situation chaotique
Théâtre d'une véritable guerre civile, on y voit des bandes armées y semer le chaos sur leur passage. Des étudiants faméliques errent dans ses couloirs, l'âme en peine, et s'adonnent à l'adresse des rares chalands qui s'aventurent en ces lieux de perdition: "Un semestre ou deux, pour continuer à étudier s'il vous plaît!" Les murs sont criblés d'impacts de jets d'oeufs, stigmates d'affronts d'une rare violence entre les forces gouvernementales du Rectorat et les rebelles du FLBS (Front de Libération de la Sorbonne).


Le pillage est chose récurrente, la cooéprative étudiante a été littéralement mise à sac par un groupe affilié à la rébellion. "Ils ont tout emporté, même la machine à café!", nous conte Kévin, son ancien gérant encore traumatisé.
Les travailleurs humanitaires dépêchés sur place avouent leur effroi. Ce matin encore, ils ont fait la découverte macabre d'un charnier près de la cour Saint-Jacques. "Il y avait là des miliers tracts mutilés de militants de l'UNI..." résume Quentin Sauvequipeut de l'organisation Médecins sans Frontières.
Il flotte dans l'air un parfum de souffre. Les forces armées du Rectorat, qui se distinguent par leur cruauté, n'ont pas hésité à faire usage de gaz lacrymogènes pour étouffer les assaillants. Selon les émissaires d'Amnesty International et d'Human Rights Watch, cet usage est contraire au droit international, et demeure passible d'une sanction du Conseil de Sécurité de l'ONU.



Violence, barbouzes, et mercenaires
Depuis quatorze longues semaines, le conflit perdure et ne semble déboucher sur aucune issue, tant les bélligérants n'entendent rien se concéder. La situation s'est même envenimée quand le Rectorat pour faire plier la rebéllion a fait appel à un corps de mercenaires étrangers, les trop fameux Centaure. Organisation de type paramilitaire dont le siège social se situe aux Bahamas, elle recrute des soldats de fortune de par le monde, et qui pour certains d'entre eux, exercèrent leurs talents lors de guerres civiles sur le Continent Noir, ou en ex-Yougoslavie durant la guerre des Balkans.


La violence que nous évoquions plus haut atteint des proportions inouies. On cite assez souvent le cas d'un officier du rectorat, qui au cours d'une bataille rangée, a reçu en pleine tête un épais livre de philosophie.
La situation sanitaire est elle aussi calamiteuse. Les toilettes sur l'ensemble du site ne sont plus nettoyées, et les effluves qu'elles dégagent prennent à la gorge, ressemblant à celles d'un lendemain de Fête de la Bière à la Munich.



Propagande à tous les étages
Pour les journalistes, il demeure hardu d'exercer son métier, voire impossible de livrer l'information, au milieu de toute ce chaos. Un collègue américain de la chaîne de télévision CBS News m'a fait part de son émotion, regrettant au passage le temps où il officiait en Irak.
Il est aussi difficile de rencontrer en contact avec les groupes rebelles. C'est avec une précaution infinie que ces derniers nous reçoivent au sein de leur local. La fouille au corps et le bandeau sur les yeux sont de rigueur. On nous demande même d'éteindre nos téléphones pour ne pas que notre position soit reconnue par les satellites ennemis. L'ambiance qui règne en ces lieux est suffoquante. Une multitude de détails sordides, de rumeurs effroyables circulent à propos de l'endroit, où bacchanales, orgies et parties fines (où même les animaux sont conviés), sont choses courantes.

Le chef des rebelles, le caporal Lester nous reçoit avec enthousiasme, nous faisant même le privilège d'ôter sa cagoule pour nous saluer. Il nous certifie vouloir continuer la lutte jusqu'à son terme, c'est à dire jusqu'à l'éviction du rectorat de la faculté. Fierèment, il nous montre la casquette bleue arrachée au crâne d'un soldat gouvernemental pour nous prouver sa férocité et sa détermination. L'entretien s'interrompt de manière brutale. De toute évidence, le leader des rebelles, est gêné par certaines questions, qu'il esquive avec soin. Lorsque nous l'interrogeons sur les groupes de "commando-suicides" émergeant au sein de la guerilla, les trop fameux BIATOSS (Brigade d'Intervention Armée des Très Obstinés Serviteurs de la Subversion), nous pouvons lire l'embarras sur son visage.

Rentrés de la zone rebelle, nous nous dirigeons à présent vers le quartier général des forces gouvernementales. Le maréchal Luc nous reçoit à bras ouverts, accompagné de son adjointe, la sous-commandante Duval. Issus du groupe paramilitaire UFR (Unité Franchement Réactionnaire), le couple infernal nous exhibe fièrement la collection de keffiehs arrachés au cou de la Résistance. Pour eux, il ne fait aucun doute que le combat va trouver prochainement une issue, avec leur entière victoire. Sous escorte, ils nous entraînent jusqu'à une aile de l'université jonchée de canettes de bière et de mégots de cigarettes de marijuana pour nous convaincre de la barbarie de ceux qu'ils appelent affectueusement "les petits merdeux."

L'impossible sortie de crise
Tous les appels au calme lancés par la communauté universitaire n'ont eu aucun effet probant. Certains dénoncent la manipulation des rebelles par l'extrême gauche. D'autres préfèrent souligner la lâcheté politique et morale du rectorat acquis à la Baronne Pécresse.
Sur le terrain, les violences continuent. Toutes les tentatives de médiation ont lamentablement échouées.
Les vautours qui planent au dessus du ciel enflammé du Quartier Latin trouveront certainement de quoi combler leur macabre appétit.

mardi 28 avril 2009

Interview exclusive de Valérie Pécresse

En marge du salon Devenir Trader à bac+3, Valérie Pécresse a accepté de répondre à quelques unes de nos questions en exclusivité.

LDH-Valérie Pécresse, depuis onze semaines vous devez affronter un mouvement de contestation d'une ampleur inédite au sein des facultés. Comment le vivez-vous?

Tout d'abord, j'aimerais vous signaler que le ministère a toujours fait de son possible pour désamorcer ce conflit. Nous avons inivité les organisations syndicales à débattre, à émettre de nouvelles propositions pour que nous sortions tous la tête haute de ce conflit.
Malheureusement, je ne peux que déplorer que nous ne trouvions pas de terrain d'entente.
Nous avons fait des concessions multiples au cours de ces réunions. Une fois, le délégué du Snesup-Fsu, au bout de trois heures de discussion m'a demandé un verre d'eau. Et bien, après m'être concerté avec l'ensemble de mon cabinet, et après en avoir référé au premier ministre, j'ai personnellement tenu à ce qu'un verre d'eau soit servi aux représentants syndicaux. On me dit autiste, je refuse cette attaque. Je suis enclin au dialogue, dans la mesure du possible.

LDH-Qu'avez-vous à dire aux étudiants qui s'inquiètent au sujet de la validation de leur semestre?

Que leur inquiétude est légitime, mais que nous ne les laisserons pas tomber. J'ai obtenu du président de la République, la possibilité de réquisitionner des bâtiments publics pour qu'ils puissent passer leurs épreuves. Pour l'instant, seule la base spatiale de Kourou en Guyane, s'est déclarée apte à nous recevoir. C'est limité, certes, mais nous négocions actuellement avec la centrale nucléaire du Tricastin pour acueillir des étudiants pendant les sessions d'examens.

LDH-Vous dîtes démontrer des preuves d'amour quotidiennes à la communauté universitaire? A quoi se résument-elles?

On réduit ma politique au démantèlement des centres de recherches, à la privatisation rampante de l'enseignement supérieur. Or c'est faux. Chaque jour, nous contribuons à la mise en place d'initiatives novatrices, pour satisfaire au bien-être du corps universitaire.
En partenariat avec Roselyne Bachelot, et le ministère de la Santé, nous avons décidé de supprimer les frites dans les CROUS pour remédier à l'obésité en milieu universitaire. Avec Eric Besson, nous réfléchissons à un projet de loi permettant aux étudiants qui dénonceraient leurs camarades sans-papiers, de valider leur diplôme de façon accélérée.
Voilà aujourd'hui, où se situent les nombreuses preuves d'amour que nous distribuons à la communauté universitaire.

LDH-Beaucoup d'universités ont vu leur réputation ternir avec le mouvement universitaire. Qu'avez-vous à répondre aux parents réticents d'envoyer leurs lardons dans les facultés?

Qu'il ne faut pas prêter attention aux ragots. Les universités françaises sont des lieux saints! Bien que la plupart soient gangrénées par l'ultra-gauche anarcho-autonome ou par les rejetons des khmers rouges, qu'on s'y pète la gueule pendant les A.G, qu'on y viole les enfants de bonne famille, qu'on y enseigne les techniques du coup d'état selon les préceptes de Malaparte, bref qu'il est devenu impossible d'y étudier et d'en ressortir vivant. Il ne faut pas noircir le tableau, en tout cas je m'y refuse!

LDH-On vous sait russophile? Pouvez-nous dire en quoi la Russie a toujours suscité votre admiration profonde?

C'est vrai, j'ai toujours été profondément attirée par la Russie. Et mon attrait ne se résume pas seulement à la vodka, contrairement à Jean-Louis Borloo, mon estimé camarade du gouvernement. La Russie a toujours offert la voie à suivre pour l'europe occidentale. En matière de désinformation, notamment. J'ai le sentiment que la presse française suit cet exemple. A lire le Monde récemment, j'ai cru tenir en mes mains une édition moderne de la PRAVDA, tant leur servilité à mon égard n'avait rarement eu d'égale dans la presse hexagonale.

LDH-Que peut-on vous souhaiter pour les prochains mois, magnifique Valérie?

De voir se taire le courroux des enseignants-chercheurs. De triompher de Jean-Paul Huchon aux régionales de 2010, au risque de me voir siéger dans l'opposition avec cette andouille de Roger Karoutchi.
Et surtout d'avoir contribué au rayonnement des universités françaises, et plus largement de notre système éducatif national. Je suis certaine qu'on louera mon mérite d'ici quelques années. Que mon nom entrera dans les livres d'Histoire, que Mélanie Laurent interprète ma personne au cinéma dans un biopic qui s'intitulerait Valérie contre le Mammouth.
Ce serait chouette, non?



vendredi 10 avril 2009

Lettre ouverte à une incorrgible

Chère incorrigible,

Je tenais à vous dire que j'ai beaucoup aimé votre prestation d'hier dans l'amphithéâtre Richelieu.
Elle fut certes brève, concise, mais elle m'a permis de mesurer l'étendue de votre honnêteté intellectuelle.

Vous êtes en effet, chère incorrigible, la mieux lotie de vos collègues pour prétendre à la considération la plus entière. Si la légion d'honneur ne vous pend pas au nez d'ici quelques années, c'est à plus rien n'y comprendre.

Avec une partie de vos collègues de l'UFR d'Histoire, vous nous avez appelés à la fin du tumulte. Sans vous départir d'un certain paternalisme, vous nous conseillez de nous consacrer à la validation d'un semestre déjà sérieusement amputé, plutôt qu'à faire les marioles sur des barricades.

Vos confrères et consœurs, ont avec peine disserté devant les étudiants de leur choix cornélien. Vous n'avez pas eu cette gêne, en citant l'exemple d'une collègue grèviste, ayant refusé de tenir un cours à des élèves qu'elle aurait traités, selon vos dires, de"petits bourgeois".

C'est ici que réside votre génie. Réduire la contestation universitaire à la suffisance d'esprit de quelque harpie gauchiste, personne, même au Figaro ou à Valeurs Actuelles, ne s'y était encore essayé. Et vous bravez le politiquement correct avec une assurance qui force le respect.

De tous les projets gouvernementaux portant sur l'enseignement supérieur, vous fûtes toujours une des plus zélées défenseuses. Quand l'ensemble de votre corporation s'inquiétait ou fulminait contre ces réformes, vous les défendiez avec une ardeur d'autant plus respectable, que vous étiez la seule à le faire. Chapeau, bas, Madame.

Et en période non agitée, vous vous illustrez aussi. Je n'ai malheureusement jamais eu la chance de vous avoir comme enseignante depuis mon arrivée à la faculté. On m'a pourtant confié, que vous êtiez très soucieuse du bien-être de vos étudiants. Vous les soumettez à faire du sport, à se vêtir décemment, et à adopter un ton révérencieux envers le corps universitaire. Vous houspillez avec soin, tous les paresseux, les crasseux, les loquedus qui tels des cafards s'épanouissent entre nos murs, et viennent jusque dans nos bras pour culbuter nos filles et nos compagnes.

J'ai également entendu que vous évaluiez les élèves selon que leur minois vous plaise ou non. A gueule du client, comme on dit par chez moi. Il ne s'agit que d'une rumeur, une telle accusation relève de la diffamation. Un peu comme ceux qui se hasardent à faire dire des énormités aux collègues grévistes, non?

En tout cas, j'aimerais saluer votre courage. Louer votre bonté, votre sagacité, ô Grand Danube féminin de la pensée néo-libérale. Vous, qui êtes dans la jeunesse de l'âge, et avait déjà un esprit si élevé que l'on ne peut que se sentir minuscule à vos côtés, je vous prédis un grand avenir.

Il est certain que si vous continuez à être aussi légère et malhonnête derrière vos lunettes austères, la communauté universitaire se réserve le droit de vous entarter, et de vous voir agoniser sous la crème fouettée.

P.S: Quand on a le même patronyme qu'une célèbre marque d'anisette, on pèse ses mots avant de la ramener.

Sauras-tu trouver de quelle crapule il s'agit?

lundi 6 avril 2009

Journée d'un C.R.S





6h15: Je me réveille avec un mal de crâne tétanisant. Hier soir, la compagnie et moi avons fêté notre centième interpellation de l'année. Dans un rade pourri de banlieue, les collègues et moi avons assouvi notre légendaire passion pour l'anisette. La soirée a failli dégénérer quand un individu de type nord-africain nous a fait observer que nous constitutions un corps de police composé de fieffées andouilles incultes et brutales. Pour lui prouver notre respect de la dignité humaine, nous avons conduit le malheureux dans une ruelle étroite et mal éclairée. Tout la compagnie s'en est donnée à coeur joie pour lui démontrer l'humanisme dont nous sommes tous empreints. Le malheureux a perdu ses dents de sagesse, sans avoir à débourser le moindre euro. Au plus près des citoyens, nous agissons chaque jour pour votre bien-être.


7h00: Nous quittons le cantonnement pour rejoindre Paris. Le maigre cortège que nous composons, (pas plus de douze estafettes, avec à leur bord, 14 hommes), est amené à s'installer aux environs de la Sorbonne, où depuis plusieurs semaines règne une agitation des plus débridées.


8h00: Nous voilà en place, le long du trottoir de la Rue Saint-Jacques. Nous n'interviendrons qu'en cas de grabuge aggravé. L'entrée de la faculté nous est interdite, ce qui irrite nombre de collègues avides de casser du petit-bourgeois. Nous voilà condamnés, à moins d'une heureuse provocation, à stagner dans nos véhicules toute la journée.


9h45: Toujours rien à signaler au dehors. L'endroit semble calme. J'achève la lecture des Fleurs du Mal de Beaudelaire, avec une larme à l'oeil. Rémunéré à taper sur des loquedus, je n'en suis pas moins doté d'une âme sensible.


10h30: L'ennui nous terrasse dans l'estafette. Certains jouent aux cartes, d'autres aux petits chevaux, tandis que le commandant Nervi, lui, peine à terminer sa grille de mots fléchés entamée voilà trois semaines. Se tournant vers moi, il me demande: "Sensible en quatre lettres? Pédé, ça marche?". L'autoradio branché sur Nostalgie diffuse du Chantal Goya. Je demande au lieutenant Brutos de changer de fréquence. Je peine à contenir mes larmes, tant entendre Bécassine, ma cousine, m'évoque de tendres souvenirs d'enfance.


11h45: L'heure de la collation. Les brigadiers Cassoce et Viandard ont confectionné de copieux sandwichs. Végétarien, je décline leur offrande, quand ces derniers me tendent un robuste Jambon-Beurre-Saumon-Tomate-Cornichons-Rillettes-Mozarella. A la place, je me délecterai d'une assiette de tofu et de carottes rapées.


13h00: Tout le monde, excepté moi, ronfle dans le véhicule. Affalés au sol, mes camarades peinent à digérer leur déjeuner. Tandis que ces derniers somnolent, je relis ému les Châtiments de Victor Hugo. Devant tant de beauté, il m'est désormais impossible de réprimer ma mélancolie. Je sors sur le trottoir, et une cigarette à la main, je fais les cent pas.


15H00: Nous recevons un appel nous intimant l'ordre de nous tenir prêts à intervenir. Je referme la correspondance de Gustave Flaubert, alors que dans l'estafette les camarades s'agitent. Nous déboulons à grandes enjambées dans la Rue Victor Cousin, prêts à matraquer ce qui nous passe sous la main. Soudain, le chef nous invite à amorcer la retraite. Bredouilles, nous rentrons dans nos véhicules, dépité de point avoir eu à cogner.


16h00: Il s'avère que nous avons été vicime d'une mauvaise blague de la part des gendarmes mobiles, qui se sont branchés sur notre fréquence, afin de nous induire en erreur. Ces derniers, stationnés le long de la rue des écoles, se bidonnent depuis une heure devant notre malheureuse spontanéité. Ce soir, nous nous sommes jurés de les prendre au Ricard, et rira bien qui rira le dernier.


17h15: Je n'ai plus rien à lire. Le lieutenant Latrique me tend un vieux numéro d'Entreveue, pour palier à mon manque de lectures saines. Malheureusement pour moi, les pages sont toutes collées les unes aux autres. Même la playmate en couverture semble avoir souffert de son passage entre les mains du lieutenant. Autour de moi, les collègues se jurent d'avoir la peau des gendarmes mobiles.


18H00: L'ambiance est montée d'un cran. Depuis la radio, nous insultons les gendarmes avec une certaine véhémence dans le ton. Ces derniers nous répliquent avec les mêmes slogans que ceux que les étudiants scandent dans notre direction lors des manifestations : "CRS, en colère, le Pastis, il est trop cher!", "CRS, serre les fesses, on arrive à toute vitesse!". N'en pouvant plus de subir tels affronts, les commandants de nos compagnies se concertent pour attaquer les "mobilards".


19h30: Les badauds sur le trottoir rient à gorge déployée. DuranAjouter une imaget plus d'une heure, ils ont vu s'affronter gendarmes et CRS sous leurs yeux ébahis. Le commandant Nervi est au sol, après avoir subi un tir de flashball. "Rengagez-vous qu'ils disaient, rengagez-vous qu'ils disaient!" psalmoident mes collègues allongés sur des brancards.


21h00: Notre ministre de tutelle, Michèle Alliot-Marie est arrivée sur les lieux de ce pugilat insolite. La voilà qui nous engueule, le visage encore plus crispé que d'ordinaire. En concertation avec notre hiérarchie, il a été décidé que nous serions mutés en Afghanistan pour aider à la formation de la police locale.


Avant de rejoindre Kandahar, j'aimerais vous faire part de ma profonde tristesse. Avec une situation sociale aussi explosive dans l'Hexagone, j'aurais à coup sûr pu montrer l'étendue de ma sensibilté au peuple en colère. Hélas, pour moi, il n'en sera rien.

vendredi 3 avril 2009

La journée d'une R.G



6h00: Lever aux aurores. Au dehors, le chant des moineaux se fait entendre. Le ronflement de Roland, mon mari, aussi. Je quitte le lit défait après une nuit d'ébats torrides. Une longue journée m'attend.

6h30: Une fois toiletté, je bois mon café, seule, dans la cuisine. Je souffre de nombreuses courbatures. Hier soir, j'ai fait la courte échelle à un militant de l'UNI, pour qu'il puisse coller ses affiches anti-blocages sur la façade d'un immeuble situé en face de la Sorbonne. En rentrant, Roland m'a littéralement sautée dessus. Mon mari officie à la brigade des stupéfiants, et il lui arrive de servir dans les saisies de drogue. Ceci doit expliquer que son appétit sexuel se trouve décuplé à certains instants.
Les jambes flageolantes et les épaules broyées, je m'apprête à partir au charbon, quand mon fils surgit à mes pieds. Encore en pyjama, et la morve au nez, Kévin me couvre de câlins avant de me tendre la liste des enfants sans-papiers inscrits dans son école. 7 ans, le fiston, et déjà l'âme d'un flic. Je ne peux qu'être fière de lui.

7h00: Me voici arrivé au siège de la D.C.R.I (Direction Centrale du Renseignement Intérieur), à Levallois-Perret, où je vais bientôt recevoir les instructions pour la journée. Le maire de Levallois, Patrick Balkany, est passé en voisin. Je lui fais un clé de bras après qu'il m'ait proposé de lui faire une fouille au corps rapprochée. Fuir le satyre des Hauts de Seine n'est pas une mince affaire.


7h15: Je fais un détour au vestiaire pour enfiler ma tenue de camouflage en milieu étudiant. Pour ne pas attirer l'attention des gauchistes sur ma personne, je me suis confectionné le costume adéquat. Je me lave mes cheveux au beurre blanc, me tartine toutes les surfaces de mon corps avec du fromage de brebis, avant de mettre à mon cou un keffieh troué. Me voici parée pour ma mission d'infiltration en Sorbonne, où se tient aujourd'hui une assemblée générale décisive dans la reconduite du mouvement universitaire.


7h55: Me voici dans le quartier Latin. Je rejoins mon indicateur dans un café de la rue Victor Cousin. Ernest*, étudiant frisé, me rencarde sur les contestataires les plus actifs. Mon attention s'arrête sur un certain Baptiste L., dont mon informateur me dresse un portrait effrayant. D'ici la fin de la semaine, ce dernier se trouvera à Fleury, et goutera aux joies des douches collectives en milieu carcéral.


8h30: Je m'asseois à l'arrière de la camionnette balisée, garée rue Champollion, où est installée une table d'écoute, me permettant de surveiller les communications téléphoniques des principaux activistes. Je me branche sur la ligne du Président Molinié, et je peine à comprendre son propos, ce dernier ayant un débit de parole pour le moins particulier. "Oui, c'est ça, un coca, et une grande frite!", réussis-je à saisir. Un message codé sans doute?


9h15: Sur mon ordinateur portable, je consulte les blogs tenus par les meneurs étudiants. Au milieu des fautes d'orthographe et des propos incohérents, je vois que ces derniers ont décidé de faire un sit-in devant le siège Figaro pour protester contre le traitement du quotidien de Serge Dassault de la question universitaire. Ce qui est bien avec Internet, c'est que les gens comme moi n'ont même plus besoin d'aller chercher l'information, elle nous est directement livrée.


10h00: Je quitte la camionnette pour pénétrer dans l'enceinte de la Sorbonne. Dans une heure se tiendra l'A.G, qui réunira étudiants, personnels, et enseignants chercheurs dans l'Amphithéâtre Richelieu. Dissimulé derrière la statue de Victor Hugo, je prends discrètement des photos des étudiants rassemblés dans la cour d'honneur. Un mal de ventre tenace me saisit. J'ai trop abusé du Larzac, et l'odeur du fromage de brebis me terrasse le naseau.


11h00: L'assemblée générale débute. L'amphithéâtre est bondé. Une motion est votée contre l'important dispositif policier qui cerne l'université. Les Renseignements Généraux sont conspués. Un étudiant saisit le micro : "Elle est où d'ailleurs, cette blondasse qui manque de discrétion quand elle nous observe?". J'enfonce la tête dans mon keffieh afin de ne pas être reconnue.


14h30: L'amphi se vide. L'A.G a été particulièrement animée, et a vu les membres du Julien Coupat Fan Club, se disputer avec les membres de l'AGEPS, le principal syndicat étudiant de la Sorbonne. Je sors pour aller vomir aux toilettes. Il faudra à l'avenir, que je trouve un autre parfum que le fromage bio.


15h30: Une aile du rectorat est assaillie par des protestataires. Les vigiles interviennent et débusquent les flibustiers sans omettre de leur ratatiner la tronche au passage. Après avoir assisté à ce spectacle tordant, je retourne dans la camionnette. Je surveille toujours les conversations de Georges Molinié, décidémment très doué pour brouiller les pistes: "Oui, chérie, je n'oublie pas d'aller chercher du pain en rentrant!". Je peine à décoder ce message.


17h00: Je m'installe sur la Place de la Sorbonne où est donné un cours alternatif: "Les principes de la philosophie kantienne et de son influence dans la psychanalyse lacanienne". Quand je pense, que nos impôts vont à tous ces fainéants...


18h00: Une bande d'étudiants occupe de façon spontanée la rue des écoles. Je me place à leurs côtés. Les C.R.S dans la précipitation m'embarquent avec les rageux dans le panier à salade. J'ai beau leur indiquer que je suis de la maison, ces derniers ne m'écoutent pas, et me matraquent mon doux minois avec soin.


21h00: Je quitte enfin le commissariat du cinquième avec les excuses empressées de mes collègues. La gueule défaite, je rejoins la camionnette dont les Pneus ont été crevés. Les ennuis s'accumulent, et à cet instant précis, je préférerais exercer mes talents ailleurs, y compris en Haute Corse, ou en Guadeloupe.


23h00: Enfin rentrée à la maison. J'ai attendu le RER durant trois quart d'heure à Saint-Michel, en raisons de foutus problèmes techniques. Kévin dort du sommeil de l'enclume. Le brave petit s'est illustré à l'école aujourd'hui en dénonçant plusieurs de ses petits camarades qui avaient triché à une dictée. Pensant m'endormir tranquille, Roland déboule dans ma chambre, complètement éméché, et me fait le coup du légionnaire. Mon corps est couvert de bleus, et ma diginité s'est envolée. Rude journée.


Les universitaires peuvent penser ce qu'ils veulent, ils ne sont pas les seuls à souffrir.






samedi 28 mars 2009

Tout est bien qui finit (presque) bien


Les aventures de Jean-Sébastien Bienverni atteignent leur terme. Vous pouvez enfin soupirer, le dénouement est aussi proche que la misère qui nous guette tous en ces temps de joyeuses récéssions.

Une fois foulé le tarmac de Roissy, je n'ai pu m'empêcher de verser une larme. Il est heureux de rentrer au pays, comme un Ulysse après un très long voyage.

Louchenko est mort, après avoir ingurgité une tisane au polonium concoté par le soin de mes nouveaux amis russes et vénézuéliens. Me voilà donc libre de reconquérir le coeur d'Anna, ma perle du Caucase, ma louve des steppes enneigées, ma chienne de traîneau préférée. Quant à Clothilde Joufflue, mon étudiante-espionne de choc, elle a repris son activité au sein du comité de grève étudiant de la Sorbonne. En m'abandonnant à l'aéroport Charles de Gaulle, elle m'a confessé son désir de se fiancer avec le colonel Manzana, et de finir ses jours en sa virile compagnie dans une ferme biologique des Asturies.

J'ai appelé Kovacs à Abou Dabhi, pour l'avertir de la fin de mes tumultueuses péripéties. Au bout du fil, j'ai entendu un homme heureux. La conversation fut brève en raison de la petite sauterie organisée par l'antenne orientale de la Sorbonne. Une fête modeste pour fêter la fin de l'année scolaire (très raccourcie en ces contrées), et à laquelle participèrent moyennant finances ,Snoop Dogg, Puff Daddy, et Victoria Beckham. La présence de ces invités à la faible notoriété suffira à faire taire les rumeurs selon lesquelles le centre d'Abou Dabhi croule sous le fric sale, et a fortiori mal dépensé.

La rue Victor Cousin est toujours le théâtre du désordre. Ce qui j'ai honte de l'avouer, m'arrange. Pendant qu'étudiants, collègues et Biatoss se font gazer par la maréchaussée, ou perdent un oeil à la suite d'un tir de flash-gun, je peux passer des heures paisibles en compagnie d'Anna, qui occupe ces jours-ci la suite Pablo Escobar au Ritz. Je n'avais jamais soupçonné en moi tant de virilité, tant d'agilité à rendre femme heureuse. Comme quoi, les enseignants-chercheurs savent se défaire de l'austère réputation qu'on leur fait de manière éhontée, et montrer bien des talents dans d'autres domaines que ceux où ils exercent traditionnellement.

Me voici en revanche redevable envers les services secrets russes et vénézuéliens pour qui je sers désormais d'informateur privilégié. Je viens de leur envoyer mon rapport sur les historiens exerçant à la Sorbonne, avec somme d'informations croustillantes sur les moeurs totalement débridées de ces gens-là. On imagine pas comment ces esthètes peuvent s'avérer turbulents.

Ces dernières semaines m'auront appris une chose. Devant l'adversité, fuir et mauvais. Perdre son sang-froid alors que les choses sont toujours en mesure de s'arranger. Qu'une fois le plâtre enlevé, la rééducation est la bienvenue. Et que lorsqu'on se retrouve au chômage technique en temps de crise, il est bon de perdre son temps à autre chose que montrer au monde stupéfait le fruit de son imagination décadente.

Et qu'on ne devrait jamais quitter Montauban, non plus.


samedi 21 mars 2009

Moscou dans la tête

Notre ami Jean-Sébastien Bienverni connaît maintenant l'identité de l'homme qui a voulu attenter à ses jours. Décidé à défendre sa vie sans aucune crainte du ridicule, notre homme quitte une Sorbonne en proie à des luttes fratricides pour se faire justice. Le voilà donc en Russie, accompagné de Clothilde Joufflue, une étudiante au discours généreux en contradiction parfaite avec son comportement social.


Il faut se défaire des idées reçues. Le sexe faible émergeant en Europe centrale ou orientale ne se montre pas plus léger en matière de moeurs qu'ailleurs de par le Monde. Si Dieu a doté la femme d'un esprit si mince, comme me l'enseigna jadis l'exquis Pierre Chaunu, ce n'est pas tant par cruauté que par bonté. Du reste, la femme sait parfois se montrer digne, et élever son âme au dessus de l'évier où on la trouve généralement quand elle déserte la salle de bains.


Gare de Moscou. J'ai laissé Paris en proie au tumulte. La contestation au sein de la Sorbonne se radicalise, on y a vu des personnels BIATOSS s'immoler par le feu pour protester contre la précarité de leur statut. Avant que Clothilde ne vienne me chercher pour que nous prenions le Transibérien, j'ai eu une entrevue assez longue avec mon collègue Génome Grond'Eure. Hostile au blocage de l'université, mon ami contemporanéiste a fait le choix de former une milice qui assure la tenue des cours et moleste sans pitité tout gauchiste s'aventurant dans le Quartier Latin.
La violence a atteint son paroxysme, quand mon ami maître de conférences a étranglé de ses mains une étudiante en philosophie qui récitait les oeuvres complètes de Guy Debord et de Raoul Vaneigeim adossée à la statue de Louis Pasteur dans la cour d'honneur de la faculté.


Se défaire des idées reçues est un impératif auquel on ne peut soustraire. Au delà de l'aspect moral, remettre en cause ses préjugés peut être bénéfique, et permet à qui pratique cet exercice salutaire de ne pas passer pour un con. Avec ma chapka et mon manteau de fourure j'ai légèrement l'air d'un benêt, alors qu'un panneau numérique de la Gare de Kiev affiche 15 degrés Celcius.


Durant mon aventure ferroviaire, j'ai beaucoup devisé avec Clothilde. Cette dernière m'a fait part de sa volonté de poursuivre dans le futur une carrière universitaire. Sans réussite, j'ai tenté de l'en dissuader. Le métier d'universitaire est hardu, j'en veux pour preuve ma propre expérience. Le grand public ne s'imagine pas que les enseignants-chercheurs côtoient un danger permanent, en la personne d'émirs arabes, de top-model ukrainiennes ou des services secrets vénézuéliens. Si mon exemple peut contribuer à créer des vocations....



Je me serais cependant bien passé de toutes ces surcharges d'adrénaline.


Nous remontons désormais l'avenue Yvan Rebroff à bord d'un taxi dont le chauffeur, une épaisse brute au teint rosé, ne peut s'empêcher de conduire sans le secours d'une bouteille de Poliakoff qu'il vide de façon goulue. Arrivés à l'hôtel Andropov, nous investissons notre suite qui à elle-seule pourrait contenir les habitants de Pékin et de sa proche banlieue. Je plaisante, mais la superficie est telle que nous sommes obligés de prendre une voiturette de golf pour nous rendre de l'entrée jusqu'à notre chambre.
Officiellement Clothilde et moi sommes en couple. Ce qui ne me ravit guère, non pas que mon amie soit laide, mais la forte odeur de Larzac qui se dégage de ses pieds lorsqu'elle ôte ses bottes a de quoi effrayer le naseau, même le plus insensible.


Je ne peux m'empêcher de penser à Anna, qui à cette heure-ci doit être entre les griffes de ce taré de Louchenko.



Clothilde et moi quittons l'hôtel pour nous rendre au consulat général du Vénézuela, qui se situe près de la Place Lénine, non loin de l'Avenue Brejnev et du carrefour des partisans. Là bas, nous croisons un autre citoyen français en la personne de Daniel Mermet, ici en ami. Le colonel Manzana nous conduit dans une pièce à l'écart afin de nous aviser du plan qu'il a échaffaudé pour tuer Louchenko. Ce dernier est devenu personna non grata au Kremlin. Monsieur a en effet osé regarder Madame Poutine plus de quinze secondes dans les yeux lors du dernier congrès du Parti Notre Russie. Autant dire qu'il est condamné à une mort certaine, mort que je ne me priverais pas de lui infliger, à moins qu'une autre péripétie ne vienne m'en empêcher.








vendredi 20 mars 2009

Abou de souffle

Les ennuis s'accumulent pour Jean-Sébastien Bienverni, professeur d'histoire moderne à la Sorbonne. Traqué par un oligarque russe jaloux, chassé de son domicile par sa compagne, notre homme va-t-il enfin déjouer le complot dont il est la victime?

L'archevêque de Caracas, Monseigneur Ramon Mosquito, était un homme respecté pour sa droiture morale. Il était cependant très mal vu au Vatican, où la curie songeait sérieusement à son éviction ainsi qu'à son excommunication.

Il est vrai que ses prises de position avaient de quoi heurter la sensibilité papale. Lors des offices qu'il donnait à la cathédrale San Ignacio de la capitale vénézuelienne, monseigneur préférait distribuer des préservatifs plutôt que des osties à des ouailles ébahies devant tant d'audace.

Sa sainteté avait été convoqué à Rome après cet épisode. Suppliant la curie pontificale de le maintenir en place, il se vit notifier son renvoi de l'église apostolique romaine, avec obligation de céder à son remplaçant son logement et son Audi TT de fonction.

Désormais, Monseigneur Mosquito est converti au bouddhisme, et déambule le crâne chauve et la soutane orange de par le monde. De passage à Paris pour la promotion de son nouvel ouvrage "Bouddha au Cumin", il se rendit à la Sorbonne où il devait donner un colloque sur la réincarnation.


Hélas pour lui, la faculté en proie à un mouvement contestaire où étudiants et enseignants manifestaient main dans la main pour l'abrogation de lois crapuleuses sur l'université.

L'homme visita donc la capitale au lieu de distiller de la spiritualité bon marché. Il s'extasia dans un bâteau mouche, pleura à Montmartre, et ricana à Saint Placide.

Tard dans la nuit, il regagna sa chambre au Lutecia après une soirée arrosée au Lido. Plutôt que d'y trouver un sommeil réparateur, il y trouva la mort. Clothilde Joufflue l'attendait ici, et l'exécuta pour le compte des services secrets vénézuéliens. L'étudiante altermondialiste, bisexuelle, et végétarienne se montra d'une certaine cruauté envers l'ancien archevêque. Elle l'assomma à coup de mignonettes trouvées dans le mini-bar de la chambre avant de l'égorger sournoisement façon FLN.

Ramon Mosquito était devenu gênant pour le pouvoir en place à Caracas. Plusieurs années durant il avait recueilli les confessions des principaux caciques du régime. Il avait absous certains délits non sans une certaine retenue: "Monseigneur, j'ai détourné l'argent de la manne pétrolière pour agrandir mon Hacienda", "Monseigneur, il m'arrive de jouer à la belote contrée avec les chefs des FARC", "Monseigneur, je confonds l'argent public avec le mien"...

Il fallait que la République Bolivarienne du Vénézuela continue à fasciner en Europe parmi les gauchistes et d'autres gogos, quitte à ce que le sang coule.

Clothilde Joufflue remplit parfaitement donc cette macabre mission. Après son forfait, elle alla boire un mojito dans une boîte latina de Saint-Michel avec son agent traitant. Ellle obtint de lui quelques précieuses informations sur Mikhail Louchenko, le milliardaire russe qui voulait tuer l'ami Bienverni. Demain matin, elle irait arracher le professeur d'histoire Moderne de la Sorbonne pour le conduire à Moscou, où des aventures extraordinaires s'offriront à eux.

L'homme qui enseignait trop peu

Suite de votre feuilleton.
Enseignant chercheur à la Sorbonne, Jean-Sébastien Bienverni, a accepté d'exercer son métier dans l'antenne d'Abou Dahbi. Deux semaines durant, il a gouté au faste de l'émirat, et il en est revenu avec une montagne de problèmes...




"Cougnamamao, sal' béké!"

Ne parlant pas le créole, je me trouve comme dubitatif face aux propos de mon ami Romain Belliez.
Venu lui demander de l'aide alors que je me sens menacé, mon collègue me laisse seul face au danger. Ce dernier est désormais engagé dans un processus révolutionnaire, et entreprend de renverser le régime en France. Tandis que j'effectuai mon stage à Abhu Dabi, Romain Belliez était lui à la Guadeloupe, où il prit des leçons de grève générale au sein du Elie Domota Institute. Désormais membre de la Cellule Cévenole pour le Communisme, le médiéviste chéri de ces dames a fait le choix d'entrer dans la clandestinité. Il ne peut donc m'aider, il me faudra donc trouver âme généreuse ailleurs. Du reste, mon collègue fut échaudé par le récit des mes récentes aventures. A peine lui avais-je annoncé que j'avais foulé le sol d'Abhu Dabi qu'il m'expédiât une biographie de Charlemagne par Jean Favier dans la face. 569 pages en pleine poire, je m'en sors avec un joli cocard. Sous le pavé, la rage.

La Police française était venue me poser quelques questions à mon retour de la péninsule arabique. Elle me proposa une protection, suite au mitraillage en règle que j'avais subi. J'ai accepté sans enthousiasme, tout en me méfiant. Si la maréchaussée s'intéressait de trop près à mon rythme de vie dans l'émirat, certain qu'elle m'aurait posé des question embarrassantes, et aurait compromis mon honneur déjà chancelant. Las! Je ne peux compter que sur moi-même.

Gwen à mon retour me fit un accueil très frais. J'avais pillé le Duty Free de l'aéroport, dans l'espoir de la ravir, mais ni les volumineux flacons de Chanel, ni les sacs Vuitton ne suffirent à la rendre heureuse. Quand elle découvrit les nombreuses marques de griffes sur mon dos conséquentes à mes ébats nocturnes torrides avec ma perle moscovite, elle pleura à chaudes larmes avant de me renvoyer à la rue.

Me voilà donc totalement livré à moi-même, menacé par des inconnus redoutablement armés. Heureusement, il me reste quelques pétrodollars, des vêtements neufs, et un Iphone tout neuf dont je ne sais pas encore me servir.

J'occupe désormais un bureau au Centre Roland Mousnier. Je dors sur mon lieu de travail, enveloppé dans un duvet, comme une saucisse dans un hot-dog. Chaque matin, je suis reveillé par Brigitte, la secrétaire, dont les effluves de parfum bon marché ainsi que la pauvreté d'esprit m'irritent profondément.

Pour m'aider à décourvir mes poursuivants, j'ai appelé Kovacs à Abou Dahbi, qui a mené sur le terrain sa propre enquête. Il m'a conseillé de me rabattre sur une étudiante en histoire présente à la Sorbonne. Cette dernière répondait au nom de Clothilde, et avait étudié l'an dernier sur l'antenne orientale de notre université. Altermondialiste, végétarienne, et proche des services secrets vénézuéliens, elle pourrait m'aider à connaitre les auteurs du complot.

J'ai rencontré cette dernière dans un café du quartier Latin. Ayant activé ses réseaux jusque dans le cercle proche d'Hugo Chavez dont elle était la maitresse occasionnelle, elle parvint à me décliner l'identité de celui qui m'en voulait. Bigre! L'amant régulier d'Anna ne m'avait pas pardonné d'avoir levé l'oeil sur la perle aux yeux de biche, et au corps de déesse.

Ainsi donc, j'étais traqué comme une bête sauvage, destinée à avoir ma tête en trophée dans le salon d'un riche oligarque russe. Mikhail Louchenko, qui blanchit des armes ou trafique de l'argent, je ne sais plus trop, attend paisiblement dans sa datcha que l'on me tue.

On ne devrait jamais aller à Abou Dahbi. On ne devrait jamais quitter Montauban, non plus.

Suite au prochain épisode.

Tempête dans le désert





Kovacs entra dans ma chambre sans la courtoisie élémentaire de frapper à la porte.
Son visage était en sueur, sa mine hagarde, on eut dit qu'il avait croisé le chemin de la mort, peu avant de me solliciter.
Sans dire un mot, il posa avec fracas sur le lit de ma chambre, un attaché-case qu'il ouvre après avoir composé le code.
Il en extraya une liasse épaisse de billets verts.
-Voilà vos 5000 euros. Ton avion pour Paris part demain matin à 11 heures. Une berline viendra te chercher, et te conduira à l'aéroport. Nous espérons tous que vous avez passé ici un agréable séjour.
-Très agréable, mon cher Kovacs, mais dites moi, vous me semblez bien inquiet.
-Ne vous inquiétez pas, Professeur. J'ai juste eu le sentiment d'être suivi en venant jusqu'ici.
-Suivi? Avez-vous des problèmes mon ami? Demandai-je.
-Ce doit être encore cette enseignante en Histoire Médiévale qui me traque depuis quinze jours. J'ai beau lui avouer que notre amour est impossible, rien à faire. Sincèrement, croyez-vous qu'un ancien légionnaire qui a joué les mercenaires en Irak, puisse plaire à une femme précieuse?
-Ici, rien n'est possible, vous devez le savoir mieux que moi.
-Welcome to Abhu Dabhi, Mister! Renchérit Kovacs.

L'appariteur de l'antenne de la Sorbonne dans la péninsule arabique est resté quelques temps bavarder avec moi dans la chambre. À deux, nous avons vidé une bouteille de Brandy tout en nous délectant d'un excellent cigare de marque Montecristo. Une fois le barbouze parti, j'ai ôté mon costard trois pièces de marque Smalto, et me suis plongé dans le jacuzzi de ma salle de bain toute faite de marbre de Carrare.
Un verre de champagne à la main, j'ai devisé dans l'eau tiède du bain plusieurs heures durant. Je me souviens des réticences que j'avais à venir ici. Ma conscience allait en souffrir, pensai-je.
Et puis, celle-ci s'est très bien accommodée de cette situation. Pensez-y, deux semaines tous frais payés, pour enseigner l'histoire à des fins de race d'émirs, il y a pire comme situation.
J'allume le téléviseur plasma installé au dessus du miroir de la salle de bains, et voit sur Al-Jazeera, des images de Paris, où les cortèges d'universitaires battent le pavé contre les réformes scélérates de Valérie Pécresse dans l'enseignement supérieur. Et soudain, je regrette presque d'être ici, à me pavaner dans un décor fastueux, alors que mes collègues de la métropole souffrent.

Il est bientôt 19 heures, et me voici à méditer sur mon sort, au quarantième étage de l'hôtel Plazza d'un émirat minuscule mais très riche. J'ai pris gout au luxe depuis mon arrivée ici, et ce soir j'ai rendez-vous avec Anna Petrovskaia, la maitresse d'un oligarque russe qui a échouée ici pour se ressourcer entre deux défilés de mode à Londres et Berlin.
Depuis cette soirée torride, où nous nous sommes rencontrés au bar de l'hôtel, nous ne nous quittons plus. Il m'arrive à la nuit tombée de la rejoindre dans sa chambre, et d'avaler des grains de caviar sur son corps divin.
Jean-Sébastien, me dis-je, c'est vilain ce que tu fais là. À Paris, Gwendoline t'attend. La pauvre enseigne dans le secondaire, passant ses journées à se faire insulter dans un lycée de banlieue par toute une horde de sauvageons. Et toi, tu la trompes avec une splendide ukrainienne, te vautre dans le luxe de façon coupable, et trahis ta corporation pour quelques pétrodollars.
Gwen, c'est pour le bien de notre couple que je suis ici. Une fois rentré en France, avec ma liasse de biffetons verts, nous pourrons souffler un peu financièrement.

Il est deux heures du matin, et je ne trouve pas le sommeil. Anna m'a copieusement essoré ce soir. Allongée près de moi, mon amie est plongée dans un profond sommeil. Ce soir, elle m'a fait découvrir les joies de la colombienne, et me voici déambulant dans ma chambre dans un état second. Je trouve enfin le sommeil, après avoir allumé deux cierges sous l'autel de fortune que j'ai confectionné à l'attention de Jean-Robert Pitte, l'ancien président de la Sorbonne, qui a eu la bonne idée d'ouvrir un centre ici. À Abhu Dabhi, j'ai prié pour vous, Jean-Robert!
Cette nuit-là, j'ai fait quelques cauchemars. Rien de bien grave, je me suis juste souvenu que fut un temps j'avais de l'amour-propre, et des principes. Époque révolue.
Le lendemain matin, Kovacs est venu prendre le petit déjeuner à l'hôtel en ma compagnie. J'ai juste un peu de mal à terminer le homard que mon ami Omar me servit après la douzaine de macarons que je me suis enfilée.

Sur la route de l'aéroport, je suis pris d'une certaine mélancolie. Quitter cet endroit me plonge dans le désarroi, bientôt Paris et ces étudiants débiles, me dis-je.
Alors que je demandai à Kovacs d'accélérer quelque peu pour éteindre ma torpeur spirituelle, un quatre fois quatre blindé qui roulait à notre niveau nous fait une queue de poisson avant de nous arroser au fusil mitrailleur.
À ce moment-là, je me demande qui peut bien m'en vouloir, à moi, Jean-Sébastien Bienverni, professeur d'histoire Moderne à la Sorbonne. La voiture dans un ravin ensablé, je remercie le ciel d'être en vie. Mais qu'adviendra-t-il ensuite? La suite au prochain épisode.

vendredi 20 février 2009

Encanaillons-nous avec les enseignants

Le propre des luttes homériques est de rester longtemps inséré dans le coeur des hommes qui les menèrent. Aussi, la jubilation est toujours présente dès qu'il sagit de se souvenir de ces instants magiques où l'on troqua sa servitude pour les habits bien plus reluisants de la subversion.



Aux dernières nouvelles, nous n'avons toujours point réussi à ce que la baronne Pécresse cesse ses infamies. Cette dernière refuse toujours de céder, quitte à vivre une situation dont l'inconfort risque de la rendre folle à lier.



Toutefois, les fiers flibustiers que nous sommes pouvons nous gargariser d'avoir mené une lutte exemplaire. En attendant que sa Sérénissime Blondasse ne succombe sous nos coups, fêtons dignement ces quelques semaines de luttes, et revenons sur les quelques héros qui se distinguèrent particulièrement contre la sottise gouvernementale.



Hormis sa majesté Lulu 1er, dont nous décrîmes la semaine passée, le surprenant virage, d'autres figures nous furent précieuses dans le combat.



Monsieur Telliez de Florac, médiéviste et cévenol de son état, était de toutes les mobilisations contre la méchanceté des gens de pouvoir. Admirateur d'Alcuin et de Bède le Vénérable, notre ami présentait une allure physique solide et fière. On l'identifiait aisément à son accent rocailleux, et à son courage intellectuel. Quand tant de ses confrères se montraient horrifiés par le spectacle des révoltes étudiantes, lui venait les rejoindre, donnant de sa voix reconnaissable parmi tant d'autres pour appeler à la lutte contre l'infamie gouvernementale.



Mademoiselle de Corrèze, que des cuistres osent appeler "Nathalie", fit elle aussi le choix de l'audace en s'opposant avec vigueur et rigueur contre la vilénie des crapules sévissant dans les ministères. Si sa voix était imprimée d'une certaine douceur, les mots qui sortaient de sa bouche étaient d'une rare violence. Elle était issue du Limousin, une terre qui fut toujours l'abri d'illustres canailles subversives, à un point tel, qu'on la surnommât à la fin du XIXème siècle "la Rome du Socialisme". Malgré une allure en apparence frêle, Mademoiselle de Corrèze bravait les vilains pouvant lui faire face avec un courage certain. Son mode de vie était très spartiate, pour une raison évidente; sachant le Grand Soir proche, il fallait qu'elle fusse opérationnelle physiquement et intellectuellement en cas d'insurrection généralisée. Tout juste pour honorer ses origines, se permettait-elle d'avaler hebdomadairement une très épaisse côte de boeuf de race limousine. Elle en recueillait le sang pour le boire, comme elle présageait de le faire pour les tristes sires de la bourgeoisie le jour où la révolution éclaterait. Elle constituait à elle seule, une habile synthèse de Louise Michel et de Rosa Luxembourg. Quand Mademoiselle ne conspirait pas à renverser l'ordre établi, elle était toute occupée à rédiger des thèses sur les nourrices aux épais mamelons, ou à revisiter l'originie du capitalisme à travers l'histoire des compagnies de commerce maritime durant l'époque moderne.

Don Giovanni Baptista di Delzanti était d'une élégance que l'on ne rencontre que de manière éphémère dans le carcan universitaire. Toujours tiré à quatre épingles, et le verbe haut, notre ami était un spécialiste de l'Italie Médiévale, celle où germa la grande Renaisance. Par son allure physique, souple et gracile, et d'une nonchalance naturelle doublée d'un ton tactiturne, il était aisé de l'assimiler à un dandy. Histrion doté d'une grande culture, capable de disserter des heures durant sur les oeuvres de Mantegna, et de Leonardo da Vinci, il forçait l'admiration de ses élèves quoique certains trouvaient ses manières fortes agaçantes. On eut dit de ce personnage iconoclaste, qu'il fut tout droit sorti d'un film de Monsieur Visconti. En le voyant, les cinéphiles avaient le sentiment de retrouver le personnage qu'interpréta Alain Delon dans Rocco et ses frères. Même assurance virile, même ténébrosité, lorsqu'il enfilait sur ses épaules un blouson de cuir et au coin de ses lèvres des cigarillos (les mêmes que Clint Eastwood dans le Bon, la Brute et le Truand). Toutefois, ce personnage à l'esprit élevé pouvait susciter l'inquiétude chez ses contemporains, quand sur son visage émergeait une barbe épaisse (comparable à celle du Mollah Omar), ou quand il enjoignait de brûler les mauvais livres d'Histoire sur la place publique de sorte qu'on les oubliât.

El Marqués de Tallon prit également part à la fronde. Il occupait la place stratégique de grand chambellan de l'UFR d'histoire de notre université. Son sens aigu de la répartie le distinguait de ses collègues. Notre homme n'avait point l'allure d'un va-nu pieds, bien que les cravates au ton vert-caca d'oie qu'il lui arrivait d'arborer suscitaient bien des railleries. Son allure rigide ne le dispensait point de faire preuve à certains moments d'une relative souplesse. Durant les leçons qu'il donnait devant des amphithéâtres où l'on se pressait à vive allure, il n'omettait jamais d'accomplir un trait d'esprit fulgurant, émettant à maintes reprises de subtils parallèles entre les gens du XVIème siècle et les tristes sires qui nous gouvernent aujourd'hui. Spécialiste incontesté et incontestable de la péninsule ibérique à l'époque Moderne, il sut toujours faire preuve d'une indépendance d'esprit louable. Une gazette que l'on trouve sur Internet a relaté comment il sut s'opposer avec force à des pressions exercées par un membre de l'actuel gouvernement pour que l'on engageât une de ses progénitures comme maître de conférences au sein de notre université. Dans une missive écrite à l'attention de la Baronne Pécresse, il dénonça cette ingérence du pouvoir public au sein de l'université avec une virulence dans le ton qui en surprit plus d'un. Quand notre homme cessait son labeur, il trouvait le repos grâce au secours d'une bouteille de Rioja ou de Marqués de Riscal, le tout accompagnée d'une assiette de chorizo ou de soubressades du meilleur goût qui fusse. A noter également, que cet éminent moderniste réfractaire à la monnaie unique, ne payait ses achats qu'en livres tournois.

Grâce à tous ces fiers compagnons, corsaires à la fière allure, toujours prompts à s'illustrer et à sonner le tocsin contre la bassesse des gouvernants, nul doute que la vilaine Pécresse, acculée devant les coups portés à son endroit, ne trouvera le secours que dans une salutaire démission.

vendredi 13 février 2009

Où sa majesté Lulu 1er opère un virage dangereux

"Il est des situations pour le moins cocasses qui prêtent aisément au sourire.

Preuve de l'impopularité croissante de notre président lilliputien, certains qui furent naguère ses serviteurs les plus zélés deviennent aujourd'hui ses contradicteurs les plus véhéments.

Lulu 1er, majesté incontestée de l'histoire moderne, en offrit un des exemples les plus étincelants.

Notre bien-aimée Sorbonne était en proie à une agitation dirigée contre la Baronne Pécresse qui entendait bousculer le train actuel des universités françaises. Pour notre ministre vénérée qui affirmait non sans culot "donner des preuves d'amour quotidiennes à la communauté universitaire", il fallait selon l'expression consacrée "faire table rase du passé".

L'enseignement supérieur en France se trouva alors dénigré avec virulence par celle-la même qui présidait à sa destinée. Conformément aux dires de notre minuscule leader, elle qualifia la recherche française de "médiocre", soutenant ainsi que dans les facultés régnaient la paresse et d' honteux gaspillages de crédits.

Il n'en fallut pas moins pour heurter la sensibilité du monde universitaire. Arguant que la France ne se plaçait qu'au dix-huitième rang mondial en matière de financement de la recherche, et que malgré le manque évident de moyens, celle-ci réussissait à se classer à un niveau très honorable, le monde universitaire ria à gorge déployée devant la méconnaissance touchante des faits de la part de la Ministre.

La plupart des réformes engagées par le gouvernement dans le domaine éducatif se trouvaient désormais toutes décriées par un très large ensemble du monde universitaire, y compris par ses éléments les moins enclins au tumulte. On ne trouva aucune voix pour soutenir les régressions annoncées, et la Fronde fut menée avec une fougue certaine par les universitaires.

Même notre Majesté s'y associa, elle qui se présentait pourtant "comme un zélateur de Monsieur Sarkozy". Lulu 1er n'était certainement pas une vermine gauchisante. Il avait même siégé au cabinet de monsieur Fillon quand celui-ci se trouvait ministre de l'éducation sous le règne de Jacques de Corrèze. Dévoué serviteur de la Droite, on lui avait en retour décerné la légion d'honneur.

C'était la première fois durant sa longue carrière que sa Majesté se trouva en grève. Cette situation le plaçait dans un inconfort certain. Il se trouva pour l'unique fois de sa vie à défiler avec ses collègues dans la rue par un temps pluvieux. Ses godillots s'en trouvèrent usés, tout comme sa chaleureuse voix, qui à maintes reprises scanda des attaques véhémentes contre le gouvernement.

Relatant à ses élèves, les raisons de sa particapation au mouvement, il argumenta sur le danger potentiel des futures réformes, qui instaurereaient davantage de copinage au sein des universités. La sélection des enseignants se feraient désormais davantage au minois du client que sur ses réelles aptitudes. Se présentant à ses cours sans assumer ses leçons, il tenait à chaque fois un discours où il raillait "la vulgarité" d'un président idéologue qui méconnaissait ses dossiers.
L'évaluation et la formation des enseignants-chercheurs furent aussi la cible de ses pertinents persiflages.

Lulu 1er, passa ainsi du statut de courtisan à celui du frondeur, n'hésitant point à claquer la bise au délégué CGT des personnels d'entretien de la Sorbonne. Découvrant non sans excitation, le monde de la contestation, il troqua son complet veston pour une flambante salopette de tourneur-fraiseur des usines Renault. Jadis aristocrate à la figure pouponne, personnage précieux au ton châtié, il adopta une nouvelle physionomie qui en déconcerta plus d'un. Le crâne recouverte d'une casquette à carreaux, sa Majesté parlait désormais le langage du peuple. Il n'hésita point en pleine assemblée générale à saluer le président Moliné d'un affecteux "Coucou Biloute! Quand est-ce qu'on va y régler son compte à cet enfoiré de Sarko?".

Notre sérénissme altesse opérait un virage dangereux. Désormais revenu de ses idéaux convervateurs, il embrassait avec fougue la cause du progrès et de la classe ouvrière. Par cartons entiers, il éjecta de son domicile tout ce qu'il pouvait contenir comme éléments de culture bourgeoise, remplaçant Roland Mousnier par les écrits de Bakhounine, et la musique baroque par une intégrale de Jean Ferrat.

Désormais proche du peuple, en épousant ses causes et sa condition, sa Majesté délaissa l'enseignement de l'Histoire Moderne, pour organiser des colloques sauvages Place de la Sorbonne, appelant de sa belle voix chaude et rauque, le peuple à se révolter.

Grâce à "Monsieur Sarkozy", Lulu1er entama un virage idéologique qui aujourd'hui encore suscite la curiosité."

Le sieur de Molinié, la Sorbonne en lutte, Histoire d'un mouvement qui fit basculer Sarkozy, éditions Kropotkine.

jeudi 5 février 2009

Où il est démontré qu'un enseignant chercheur a parfois besoin de l'étudiant


Il serait bien hasardeux de porter atteinte à l'honneur des enseignants-chercheurs de nos universités. Il faut mesurer toute l'excellence dont ces gens sont faits. L'intelligence de cette corporation n'est plus à démontrer bien qu'elle souffre de nombreux vices, comme le repli narcissique, et une certaine arrogance vis à vis des gens singeant leurs travaux et non élevés dans le même sérail qu'eux.



Il se trouve que le gouvernement de notre bien aimé Talonnette 1er, s'est fixé comme objectif d'élever le rang déjà pourtant certain de nos universités. Arguant avec son tact légéndaire que face à la compétition mondiale, "il faut se sortir les doigts du cul", notre miniscule leader confia à la baronne Pécresse le soin de réformer l'enseignement supérieur.

Dame Pécresse était une femme au visage et au sourire délicat, à la voix douce et au regard de velours. Elle présentait une allure aristocratique, à l'entendre et à la voir, il était aisé de deviner que la secrétaire d'état avait grandi à l'abri de la misère.
Dès l'été 2007, Valérie fit adopter au Parlement la loi relative aux libertés et responsabilités de l'Université. Zélée ministre, elle fit face à la contestation émanant des étudiants, n'entendant rien concéder d'autre à ces derniers que du mépris.

L'objectif de cette réforme était clair. Il fallait concéder davantage d'autonomie aux universités, tout du moins à ceux qui en avaient la responsabilité. Désormais les facultés seraient gérées comme des entreprises, le président faisant office de manager, et toutes les autres personnes y évoluant de salariés zélés rétribués à leur seul mérite.

Au nom de la sacro-sainte "performance", il ne fallait point hésiter à faire rentrer des entreprises au conseil d'administration des facultés, les transformant de fait, en centre de recrutement à destination de salariés malléables et corvéables à souhait, dénués d'un sens critique et ce en rupture totale avec la tradition universitaire.

Les étudiants, dans leur majorité, menèrent la fronde contre la réforme avec une certaine fougue sans pourtant parvenir à obtenir son abrogation. Le corps enseignant se montra timide dans la contestation, hormis quelques héroïques médiévistes à l'accent rocailleux du Sud-Ouest.

Quelques temps plus tard, les enseignants chercheurs virent leur statut modifié par décret. La baronne Pécresse entendait soumettre la corporation à des évaluations plus drastiques quant à leur rendement, et à la placer davantage sous le contrôle des présidents d'université.
Nos amis poussèrent des cries d'orfraie. Devant le caporalisme de la ministre (imitant par là très bien son mentor lilliputien), et le fait que l'on modifiât en profondeur un statut édifié en 1984, ils se mobilisèrent pour lutter contre ce qu'ils estimaient comme une ineptie totale.

Même les universitaires les moins enclins aux idéaux progressistes rouspétaient devant cette disposition. Alors pour mieux faire pression sur la ministre et qu'elle renonçât à ses funestes desseins, nos puits de science firent appel aux étudiants, si prompts au chahut. Ces dernières obtempérènt et l'on peut voir encore aujourd'hui, des étudiants et leurs professeurs, bras dessus bras dessous, vitupérer contre cette bougresse de Pécresse.

A l'heure où votre serviteur écrit ces lignes, on ignore si la ministre va retirer son décret, et s'ouvrir aux revendications de nos têtes chercheuses.
La mobilisation bat son plein, attendons de voir si devant pareille fronde, l'autisme sera toujours de mise dans cette clique réactionnaire et dévoyée qui constituent notre gouvernement.

Là où le bât blesse, c'est qu'aujourd'hui les enseignants viennent quémander le secours des braves étudiants pour se faire entendre de la Versaillaise.
Lorsque les étudiants se mobilisèrent contre le Contrat Première Embauche ou dressèrent des barricades pour réclamer dès l'automne 2007 l'abrogation de la LRU, les professeurs renâclèrent à les suivre, affichant même une certaine morgue à une jeunesse privée d'avenir.

L'étudiant est en droit d'espérer que ce n'est pour pas de seules revendications leurs étant propres, que les enseignants chercheurs poussent l'étudiant à la grève.