mercredi 6 mai 2009

Reporter de guerre

La Sorbonne est prise en otage. Nous le savions déjà, et pas seulement grâce au concours de la presse nationale, qui se montre aussi raisonnable qu'un Frédéric Lefevbre dès qu'il s'agit d'aborder la question des conflits sociaux.
Ce que la presse ignore, c'est le climat sordide qui y règne. La Sorbonne est désormais désertée par ceux qui la faisaient vivre. Elle offre le même spectacle désolant que Beyrouth après un raid de l'aviation israélienne.


Une situation chaotique
Théâtre d'une véritable guerre civile, on y voit des bandes armées y semer le chaos sur leur passage. Des étudiants faméliques errent dans ses couloirs, l'âme en peine, et s'adonnent à l'adresse des rares chalands qui s'aventurent en ces lieux de perdition: "Un semestre ou deux, pour continuer à étudier s'il vous plaît!" Les murs sont criblés d'impacts de jets d'oeufs, stigmates d'affronts d'une rare violence entre les forces gouvernementales du Rectorat et les rebelles du FLBS (Front de Libération de la Sorbonne).


Le pillage est chose récurrente, la cooéprative étudiante a été littéralement mise à sac par un groupe affilié à la rébellion. "Ils ont tout emporté, même la machine à café!", nous conte Kévin, son ancien gérant encore traumatisé.
Les travailleurs humanitaires dépêchés sur place avouent leur effroi. Ce matin encore, ils ont fait la découverte macabre d'un charnier près de la cour Saint-Jacques. "Il y avait là des miliers tracts mutilés de militants de l'UNI..." résume Quentin Sauvequipeut de l'organisation Médecins sans Frontières.
Il flotte dans l'air un parfum de souffre. Les forces armées du Rectorat, qui se distinguent par leur cruauté, n'ont pas hésité à faire usage de gaz lacrymogènes pour étouffer les assaillants. Selon les émissaires d'Amnesty International et d'Human Rights Watch, cet usage est contraire au droit international, et demeure passible d'une sanction du Conseil de Sécurité de l'ONU.



Violence, barbouzes, et mercenaires
Depuis quatorze longues semaines, le conflit perdure et ne semble déboucher sur aucune issue, tant les bélligérants n'entendent rien se concéder. La situation s'est même envenimée quand le Rectorat pour faire plier la rebéllion a fait appel à un corps de mercenaires étrangers, les trop fameux Centaure. Organisation de type paramilitaire dont le siège social se situe aux Bahamas, elle recrute des soldats de fortune de par le monde, et qui pour certains d'entre eux, exercèrent leurs talents lors de guerres civiles sur le Continent Noir, ou en ex-Yougoslavie durant la guerre des Balkans.


La violence que nous évoquions plus haut atteint des proportions inouies. On cite assez souvent le cas d'un officier du rectorat, qui au cours d'une bataille rangée, a reçu en pleine tête un épais livre de philosophie.
La situation sanitaire est elle aussi calamiteuse. Les toilettes sur l'ensemble du site ne sont plus nettoyées, et les effluves qu'elles dégagent prennent à la gorge, ressemblant à celles d'un lendemain de Fête de la Bière à la Munich.



Propagande à tous les étages
Pour les journalistes, il demeure hardu d'exercer son métier, voire impossible de livrer l'information, au milieu de toute ce chaos. Un collègue américain de la chaîne de télévision CBS News m'a fait part de son émotion, regrettant au passage le temps où il officiait en Irak.
Il est aussi difficile de rencontrer en contact avec les groupes rebelles. C'est avec une précaution infinie que ces derniers nous reçoivent au sein de leur local. La fouille au corps et le bandeau sur les yeux sont de rigueur. On nous demande même d'éteindre nos téléphones pour ne pas que notre position soit reconnue par les satellites ennemis. L'ambiance qui règne en ces lieux est suffoquante. Une multitude de détails sordides, de rumeurs effroyables circulent à propos de l'endroit, où bacchanales, orgies et parties fines (où même les animaux sont conviés), sont choses courantes.

Le chef des rebelles, le caporal Lester nous reçoit avec enthousiasme, nous faisant même le privilège d'ôter sa cagoule pour nous saluer. Il nous certifie vouloir continuer la lutte jusqu'à son terme, c'est à dire jusqu'à l'éviction du rectorat de la faculté. Fierèment, il nous montre la casquette bleue arrachée au crâne d'un soldat gouvernemental pour nous prouver sa férocité et sa détermination. L'entretien s'interrompt de manière brutale. De toute évidence, le leader des rebelles, est gêné par certaines questions, qu'il esquive avec soin. Lorsque nous l'interrogeons sur les groupes de "commando-suicides" émergeant au sein de la guerilla, les trop fameux BIATOSS (Brigade d'Intervention Armée des Très Obstinés Serviteurs de la Subversion), nous pouvons lire l'embarras sur son visage.

Rentrés de la zone rebelle, nous nous dirigeons à présent vers le quartier général des forces gouvernementales. Le maréchal Luc nous reçoit à bras ouverts, accompagné de son adjointe, la sous-commandante Duval. Issus du groupe paramilitaire UFR (Unité Franchement Réactionnaire), le couple infernal nous exhibe fièrement la collection de keffiehs arrachés au cou de la Résistance. Pour eux, il ne fait aucun doute que le combat va trouver prochainement une issue, avec leur entière victoire. Sous escorte, ils nous entraînent jusqu'à une aile de l'université jonchée de canettes de bière et de mégots de cigarettes de marijuana pour nous convaincre de la barbarie de ceux qu'ils appelent affectueusement "les petits merdeux."

L'impossible sortie de crise
Tous les appels au calme lancés par la communauté universitaire n'ont eu aucun effet probant. Certains dénoncent la manipulation des rebelles par l'extrême gauche. D'autres préfèrent souligner la lâcheté politique et morale du rectorat acquis à la Baronne Pécresse.
Sur le terrain, les violences continuent. Toutes les tentatives de médiation ont lamentablement échouées.
Les vautours qui planent au dessus du ciel enflammé du Quartier Latin trouveront certainement de quoi combler leur macabre appétit.

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