lundi 22 décembre 2008

La conspiration des Documentalistes


"Notre Sorbonne était le siège majestueux de l'intelligence. On y dispensait les savoirs les plus précieux. Ses murs marquaient tout le savoir-faire de l'architecture française, et sa chapelle toute la piété dont était empreint le peuple la fréquentant.

Toutefois, il y avait foule de gueux qui jouissaient de voir les étudiants malheureux. Ces êtres cruels et vicieux travaillaient pour la plupart à la bibliothèque de l'université. Viles créatures, ils s'honoraient à rendre chafouins les nerfs des usagers.

Pour ce faire, ils s'appuyaient sur le complexe système de prêt ou de consultation des ouvrages. Tout usager inscrit à la bibliothèque devait passer par eux pour avoir un livre entre ses mains. Le sadisme dont ils faisaient preuve chaque fois que l'on vint les chercher derrière le guichet où ils étaient tapis en effraya plus d'un.

Véritable commando d'êtres nuisibles, ils ne délivraient jamais les bons ouvrages demandés, ou ne les extrayaient de la réserve de la bibliothèque qu'au bout d'un certain temps.

Plus d'une fois on vit des larmes couler le long des joues des étudiants désappointés. C'est alors que les documentalistes s'illustraient en leur ricanant au nez. Toute humanité leur était étrangère, et tout laissait à penser qu'il s'agissait de créatures façonnées par le diable.

L'infirmerie de la faculté compta de nombreux cas de personnes qui voulurent mettre fins à leurs jours après un détour par la bibliothèque. Des psychologues alertèrent l'administration sur les récits apocalyptiques que des usagers dépressifs leur délivraient. L'un deux alla même jusqu'à comparer la traversée du centre de documentation au calvaire qu'endura le Christ au mont Golgotha.

L'infamie cessa un jour, lorsque l'on découvrit que les documentalistes étaient unis par un même serment diabolique. Ils s'étaient en effet jurés, de saper le moral des usagers jusqu'à ce que ces derniers succombent. Devant cette stupéfiante découverte, un tribunal fut érigé au sein de la faculté pour juger ces êtres à l'âme corrompue. Il fut décidé de purifier leurs esprits décadents en les rouant de coups de fouet jusqu'à ce qu'ils abjurent leur foi maléfique.

Par cette décision, la bibliothèque devint un havre de paix, et assuma sans peine sa mission de sanctuaire de l'intelligence."

Grégoire Détour, De Sorbonnae Biblithicae Historiam.

samedi 20 décembre 2008

Où il est prouvé que le danger ne vient pas toujours d'où on l'attend


"On fit sonner le tocsin dès que la nouvelle parvint de la bouche du ministre de l'Intérieur.

"L'ultra-gauche est de retour!", hurla-t-on, avant de se terrer dans nos caves, pour ne pas avoir à croiser la route des héritiers d'Action Directe.

La menace gauchiste était imminente. Alors que les financiers et leurs aléas ébranlaient notre Monde précipitant milliers de gens dans la plus grande précarité, un danger plus sensible se dressait contre nos vies.

La mouvance dite "anarcho-autonome" était prête à déclencher une vague de violence inouïe dans la société. Leur haine contre l'état et le système marchand pouvait se manifester à n'importe quel instant.

Heureusement, la maréchaussée fit son devoir, et débusqua en Corrèze les histrions qui voulaient provoquer une guerre civile dans l'Hexagone. Sur le Plateau de Millevaches, à l'abri des regards, étaient établis les conspirateurs. Dans le village de Tarnac, ces derniers s'adonnaient à de coupables activités, telles l'agriculture biologique et la tenue d'une épicerie solidaire. On trouva à leur domicile, des brochures appelant au renversement du système. Ce détail contribua à forger dans l'esprit de la Police, que ces gens-là étaient impliqués dans de récents sabotages de voies ferrés.

Notre pays était donc sauvé d'un péril dont nous ignorions jusqu'ici l'existence. Tout le monde faisait fi du principe de présomption d'innocence, qui sied d'ordinaire à toute personne suspecte d'activités illégales. Nous pouvions sortir de nos caves la tête haute, sans avoir à faire aux hystériques hordes anticapitalistes. Les gazettes nous conseillaient toutefois la prudence car la Police affirmait que la mouvance anarcho-autonome regroupait, "trois à cinq cents individus déterminés".

Dans les murs de la Sorbonne, le danger anarcho-autonome était connu de tous.
À la suite de mouvements étudiants contre le projet d'autonomie des Universités à l'automne 2007, plusieurs individus se réclamant de cette mouvance s'illustrèrent en éditant brochures et tracts où l'on incitait le peuple à la révolte. La lecture attentive de ces écrits nous fit bien comprendre le péril hissé face à nos genoux tremblant de peur.

Mais hélas pour la maréchaussée, ce n'était pas contre le Grand Capital ou l'état, que leur violence se manifesta. Mais bel et bien contre la langue française. Sous leurs plumes vengeresses, les autonomes maltraitaient l'orthographe, rudoyaient la syntaxe, se moquaient de la concordance des temps et des accords de participes les plus élémentaires.

On peut prétexter à leur corps défendant que ces tracts rédigés à la va-vite, se souciaient davantage du contenu que de la forme. Mais une telle violence contre la langue de Molière fit davantage sourire qu'inquiéter.

La seule institution que ces derniers attaquèrent véritablement était en fin de compte l'Académie Française, celle qui fixait les règles dans lesquelles notre langue devait être écrite.

Et sur ce point ne peut-on pas leur donner raison? Est-il normal que ce soient d'illustres grabataires, ou vieillards séniles incontinents qui fixent la norme de notre langue?

L'abbé Rode, Clignancourt, de Néhendertal à nos jours.

Où il est prouvé qu'Erasmus est programme néfaste


"Vils gueux estrangers,
Vous qui venez ici,
Veuillez ne point me déranger,
Ou je vous asphyxie."

Le chevalier de Crottin, Sus à l'européen!

"Notre bien aimée Sorbonne, était en proie aux appétits dévastateurs des étrangers. Dans la plus totale impunité, l'anglais y conspirait, l'allemand y médisait, l'italien y détroussait.

Le programme Erasmus permettait aux jeunes ressortissants de pays européens de venir étudier en France. On pensait ainsi poursuivre une louable oeuvre de fraternisation des peuples. Il n'en était rien . Le coupable laxisme dont souffrait nos élites se trouvait responsable d'une situation intenable.

L'enseignement que l'on y dispensait était de la plus haute tenue. Mais ce ne fut pas tant pour recevoir un savoir de qualité, que les continentaux se ruaient sur notre université. Mais dans le vil dessein de nuire aux étudiants français.

Dans les travaux dirigés, on leur octroyait les meilleurs sujets d'exposés. Les professeurs avaient à leur égard une sympathie dont on mesurait mal la raison. Sans doute étaient-ils guidés par une philanthropie gluante qui sied d'ordinaire aux âmes candides. Les enseignants étaient aux petits soins avec ces gens venus d'ailleurs qui profitaient honteusement de cette bienveillance déplacée.

Les preuves que ces européens semblaient venir exprès pour saper le moral des étudiants hexagonaux, résident dans le fait que ces derniers bénificiaient de la gentillesse du corps enseignant, de la bonté de l'adminsitration, et du respect de la direction de la faculté, qui d'ordinaire font preuve d'une grande sévérité avec la jeunesse estuidantine.

On leur réservait meilleur accueil qu'aux autochtones ou aux étudiants extra-européens. Nous revivions en pleine université une redite de la Guerre de Trente ans, qui vit de 1618 à 1648, l'Europe se déchirer de manière tragique.

Lorsque l'étudiant hexagonal se trouvait en retard pour assister à un cours, il y avait toujours un de ces coquins pour barrer la route en quémandant un renseignement désuet. Lorsque le français souhaitait récupérer la consigne de son gobelet de café usagé, il y avait toujours une de ces canailles prompte à le doubler devant la machine délivrant les précieux sesterces. De même, lorsque l'envie de déféquer terrassait le françois, les européens sournois occupaient les toilettes de manière prolongée avec un coupable détachement.

Pour ces étrangers là, la France n'était que le pays des plaisirs de la chaire et de la table, encore que vu leurs faibles revenus, ils devaient se contenter de lire Entrevue en sirotant du mousseux avec une paille.

Une coalition regroupant français, africains, sud-américains, et asiatiques se forma pour lutter contre la prédominance des européens. Une bataille se déroula près de la rue Saint-Jacques, au café chez Jean-Mi et les franco-internationaux infligèrent une déculottée sévère aux européens. Le traité de l'amphithéâtre Champollion signé dans la foulée des combats, consacra une stricte égalité entre tous les étudiants d'où qu'ils viennent. Les conspirateurs durent renoncer à leur funeste entreprise, et la fraternisation une fois obtenue, l'amour irradia de bonheur les murs de notre bien aimée Sorbonne."

Le cardinal de La Fumée, la Sorbonne, des origines à nos jours.

mercredi 17 décembre 2008

Chronique du règne de Lulu 1er

Claudiquant légèrement, sa Majesté Lulu 1er fit son entrée dans l'amphithéâtre.
Tels des courtisans zélés, ses élèves avaient le regard fixé vers son auguste personne.
Un silence comparable à celui des cathédrales étendait sa pesanteur sur l'endroit.
Le maître se passa la main sur les derniers cheveux qui lui restaient avant de prononcer sa leçon. Son teint était blême, sa respiration poussive, et son établissement sur son siège aléatoire.
La bouche pâteuse, sa majesté prononça une heure durant son exposé.

Un incident notoire vint lui conférer un caractère guignolesque. Notre saint homme, prostré sur sa chaise, émit à son insu une secousse gazeuse de forte intensité.

Les murs tremblèrent, dans les gaines, les mamelles s'entrechoquèrent, et dans les pantalons les testicules exécutèrent une valse. Sa Majesté fut fort gênée, l'odeur nauséabonde de son pet imprégnait tout le lieu. Les élèves commentèrent à grands renforts de cris horrifiés, cette terrible effluve qui caressait leurs naseaux.

On murmure encore aujourd'hui que certains ne purent tenir jusqu'à la fin de la leçon, et coururent hors de l'amphithéâtre, pour trouver atmosphère respirable.

Pour éviter d'émettre tels gaz asphyxiants à l'avenir, sa Majesté fit le serment de ne plus se délecter de sa traditionnelle assiette haricots blancs avant d'assurer sa leçon. Sa réputation pourrait être ternie à l'avenir, s'il lui arrivait de commettre pareille faute.

Le prince des Modernistes trouva son ego fort atteint. Comme lorsqu'un samedi soir, où après s'être embelli l'âme avec la lecture des Pensées de Pascal, il alluma la télévision du majestueux salon de son hôtel particulier parisien. Notre homme vit avec son temps, il possède une flamboyante Thomson Ducretet, qui diffuse les trois premières chaînes en noir et blanc. Il visionna le programme animé par le troubadour Ruquier sur la deuxième chaîne. Il fut estomaqué par la prestation de la duchesse Ramatoulaye Yade, qui fit observer qu'en matière de droits de l'homme "la France avait un rang à assumer." Sa majesté hurla à la mort, contraignant son majordome à armer le carrosse pour fesser l'impudente, et lui faire réviser son histoire de France. Il alla même jusqu'à assimiler le troubadour Ruquier, qui obtempérait aux mots de la secrétaire d'état, à un vil gauchiste. Malheureusement pour lui, le programme était enregistré à une date ultérieure avant sa diffusion. Il se trouva donc seul à trois heures du matin devant le siège de France Télévisions. Armé de sa dague, il défia les vigiles de toucher son auguste personne.

Sa majesté termina la nuit au commissariat du seizième arrondissement. On dit que c'est le comte de Cornette, marquis de Versailles, qui vint le chercher chez les prévôts, avec une caution de mille ducats.

Notre majesté Lulu 1er accumulait ainsi les bévues à l'orée de l'année 2009. Il prit deux résolutions majeures pour connaître la fortune dans les douze prochains mois. Ne plus mirer la télévision, et réduire sa consommation de fayots et autres fèves laxatives. Sinon son pouvoir s'en trouverait fort mal à l'aise.

Le Vicomte de Championnet, Chronique du règne de Lulu 1er.

Prologue


La salive aux lèvres, tu as pénétré dans cet antre du savoir.

Aujourd'hui, alors que s'achève une phase dans ton apprentissage, tu déchantes plus que tu jubiles.

Il fallait voir tes yeux d'enfants lorsque tu as foulé les pavés de cette noble institution. Aujourd'hui, tu es comme marié avec elle. Vous ne vous quittez plus, elle te poursuit jusque dans ton sommeil et dans tes rares moments de liberté.

Elle te réduit, te broie, te casse. Mais tu ne trouves pas moyen de la quitter, persuadé qu'elle constitue un élément central dans la constitution de ton avenir.

Le matin pour la rejoindre, tu te brasses à la foule épaisse des employés qui stagnent moroses dans les rames du métropolitain.

Le soir tu la quittes, et retrouves par la même occasion les gai lurons du salariat.

La journée, tu y croises tout ce qui se fait de plus intelligent. Professeurs rigides, étudiants désoeuvrés, et touristes nippons. Des types à la démarche mal assurée cherchent dans les poubelles les gobelets de café vides avec le vain espoir récupérer la consigne.

Tu ne pourras quitter cette maîtresse ingrate, qui met tes nerfs à l'épreuve, qu'en obtenant un diplôme en fin d'année, qui à coup sûr, t'ouvriras les portes de l'avenir. Précieux sésame qui te conduira vers une file d'attente de l'Agence Nationale de l'Emploi la plus proche de chez toi.

Les murs sont délabrées, la poussière s'y complait, les cloportes en tous genres y pullulent.

De cette épreuve, tu ressortiras grandi. Ou cassé. Du genre à ramasser à la petite cuillère.

Et si l'enfer commençait, ici?