mercredi 6 janvier 2010

The place to be (or not).

-Alors Paris I c'est bien?
-Oui! It's the place to be!
-Quel enthousiasme! Et ton mémoire, ça avance?
-Euh... Si l'on considère qu'un escargot blessé, la coquille endommagée, malgré son inhérente lenteur effectue une certaine marge de progression en une journée, et bien oui, on peut dire que j'avance.
-Rappelle moi ton sujet, déjà....
-Tu veux qu'on se fâche ou bien?
-Non, non! Mais tu vas t'y mettre sérieusement? Tu délaisses un peu le salariat, là?
-Je lâche un peu la bride, en effet.
-Tant mieux pour toi!
-Oui, et puis vu la conjoncture économique actuelle, faut demeurer lucide. A défaut de gagner ma vie, la Fac me permettra de gagner mon chômage.
-Bah tu vois! C'est un bon début! Et les profs, tu m'as pas dit, l'ambiance et tout ça?
-Niquel! Entre les provinciaux blasés, les déclinaisons féminines de Maître Capello, les dandys impénétrables, y'a pas à dire, je suis verni!
-C'est pas un peu réducteur, ce que tu m'avances, là?
-A peine. Si j'avais l'esprit de synthèse, je dirais même que j'enjolive le tableau. Non, mais sans rire... Leur truc où je suis, c'est l'Histoire Sociale. Et bien crois-moi, ils sont nombreux à avoir la touche syndicale. Barbus, chemises de bûcheron, les bras épais comme un gigot. Tu n'as plus qu'à leur enfiler une chasuble luminescente, et tu te croirais à un défilé du premier mai, dans les amphis. Je n'ai pas le sentiment d'assister à des leçons magistrales, mais à des permanences syndicales de SUD.
-De toute façon, Paris I, c'est réputé pour abriter un petit nid de subversion. La chose ne devrait pas te déplaire?
-Non, c'est vrai que les cours auxquels j'assiste sont le théâtre de fougueux débats, et d'intenses controverses. On y voit d'obscurs anciens khâgneux y malmener toute la production historiographique, le tout sans mauvaise foi, sans aucune prétention, ni fumisterie.
-Séjour agréable, donc?
-A quelques nuances près, oui. Je pense que j'aurais du m'y inscrire plus tôt, et ne pas attendre le Master pour y étudier. D'autant que niveau cadences infernales, je ne suis pas chez Stakhanov.
-????
-Je ne dis pas qu'on glande nib, mais le seul est fait qu'on est pas tout le temps sur notre dos. Je me souviens une fois, avoir voulu à mon grand dam, demander un renseignement à mon enseignant référent. Je frappe à la porte de son bureau, aucune réponse. J'ouvre, et je le vois affalé sur son fauteuil, les pieds sur le bureau, en train de feuilleter le Droit à la Paresse, de Paul Lafargue. Le tout avec une capirniha à porté de main, et une vieille chaîne HI-FI qui crachait de vieilles biguines, et quelques cha-cha somnolants.
-Bon, faut les comprendre. Avec tout ce qu'ils doivent publier pour demeurer en place, et conserver leur petite notabilité. Faut bien se détendre! Tu ne regrettes pas Paris IV au moins?
-Certainement pas. Entre le corps enseignant composé exclusivement de crapules versaillaises (à l'exception notable d'une communiste orthodoxe), et les étudiants, tous plus ou moins débonnaires, ségolénistes, sans identité sexuelle clairement définie, vaniteux. Et je fais l'impasse sur ces petites tâches qui se piquent d'être impertinentes. Ils nourrissant des fantasmes de pogroms, écrivent de ronflants poèmes, et s'empourprent dans le ridicule en moins de temps qu'il n'en faut à Eric Besson pour dire une connerie.
-Et bah, dis-moi, quel portrait flatteur! Aigri?
-Non, aigre-doux.
-Et les gars, les nénettes à Paris I?
-Sympas. Fougueux. Voyageurs, blanquistes, bourguignons, pornocrates, libertaires, situationnistes, monarchistes refoulés. Que du beau monde!
-C'est la place, quoi!
-Pas encore un phalanstère, mais ça va. The place to be. Or not.