mercredi 29 septembre 2010

Du soutien avant la soutenance

-That's done, honey...
-What?
-J'ai rendu mon M(ach)1.
-Il était temps, non?
-C'est exactement le mot que m'a glissé mon directeur de recherches quand je l'ai croisé hier...
-Ah... Il va te saquer, tu crois?
-Il serait animé par un semblant de conscience professionnelle, ce serait dans l'ordre des choses, et même, ajouterais-je, l'indolence est une faute, et je culpabilise...
-Quoi, t'as fait du caca?
-Pas loin... En tout cas je lui ai filé un truc assez épais pour s'essuyer le dergeot!
-Tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même. Si tu avais daigné être consciencieux, régulier dans l'effort, tu ne serais pas à gémir comme une fillette... Tu fais mon le badass pour le coup?
-Certes. Je me sens comme un petit garçon pris en flagrant délit de chaparadage de confiture, qui baisse la tête, pas fier, de la rhubarbe plein les bobines. Mais j'ai toutefois une excuse. Aussi mince que les michtonneuses de Chez Elite, peut-être, mais le seul fait est que mon sujet d'études était particulièrement rasant. Si j'avais su, je ne serais point venu.
-Quoi encore avec tes anars?
-Une ribambelle de cinglés! Des hygiénistes, eugénistes, végétariens, buveurs d'eau, amour-libristes peut-être, mais vu les tromblons qui devaient se farcir, même pas de quoi sauver l'honneur...
-Tu juges a posteriori. Ils étaient pénétrés des représentations de leur temps, sans que cela plaide en leur faveur, tu dois juger en historien. Enquêteur, pas inquisiteur...
-La racine du mot est la même, je te signale.
-Certes, mais cela n'excuse pas tout. Au moins tu es revenu de tout ça, tu vas enfin pouvoir embrasser la cause du peuple, à l'inverse de tes "en-dehors".
-Oui, et puis en lisant toute leur somme d'insanités, je me suis dit, qu'après tout à Constradt, on a zigouillé que des couillons, pas de quoi crier au liberticide, non plus...
-T'es pas obligé de verser dans cet extrêmisme, non plus.
-Peut-être bien. D'autant que les miens étaient poltrons, pétochards comme il faut. Au moins les marins ukrainiens, eux, en avaient dans le bénard à rayures.
-Bon, et maintenant... T'as une date pour ta soutenance.
-Toujours pas. Mais j'affronterai l'épreuve avec un peu de cran, pour une fois.
-Vaut mieux...
-Oui, car je sens le canif à Damoclès au-dessus de ma tignasse. J'ai les foies, sans perdre la foi, toutefois. Nom d'un foutre!

dimanche 5 septembre 2010

Il y a de l'espoir

Je suis content, j'avance. Je dois bien en être à la moitié maintenant. Plus que quelques nuits blanches, et on va le torcher notre truc. Le malheur, c'est qu'on a une vie sociale, et qu'à l'inverse de nombre de nos copains djeuns, on ne peut rester plus de trois heures assis devant son ordinateur sans avoir les nerfs en compote. Allez, du nerf! Hypothèque quelques moments de bonheur, c'est pour ton bien!
Non, non, je suis presque soulagé, bien qu'encore loin du compte. Un peu comme Gerard d'Aboville quand il traversait l'Atlantique à la rame dans son raffiot pas plus large qu'une coquille d'huître. Une fois les Açores dépassées, m'est avis qu'il devait respirer Pépère, même si l'Amérique était encore à quelques faisceaux horaires.
Non, non, je me sens bien. J'ai même envie de me décapsuler une petite Orval. Une bonne bière belge, ça vous met de l'entrain, un peu comme apprendre qu'un ministre du travail prend le chemin de l'échaffaud, et la majorité présidentielle dont il est issu avec lui.
Tout va bien. Pense à la Bouteille de Gevrey Chambertin 1999,injustement incarcérée dans un placard maternel, promise à être sifflée après ta soutenance.
Du baume à l'âme, enfin! Certes je ponds du caca. Oui, je m'y suis mal pris. J'ai été gauche, limite indolent. Le prix de la nonchalance ne sera peut-être pas trop lourd.
Espoir, lueurs scintillantes à l'horizon... Bien que tous les historiens de l'anarchisme en exercice, si le hasard leur mettait mon travail en main, se sentiraient d'un tempérament ravacholien devant la somme de mes contresens, anachronismes, et autres billeveusées.

Tu sais, pourquoi je jubile?
Parce que tu y es arrivée. Toi dont on présageait la branlée, toi dont on se disait: "Mais Foutre-Dieu, si elle rend son M1 avant moi, je veux bien qu'on me coupe le prépuce avec des ciseaux rouillés."

Et bah, tu l'as fait, alors que tu as du être moins assidue encore que tous ceux parmi nous qui galèrent âprement devant l'échéance fatale. Donc,forcément, on ne peut que s'en sortir. Même si nous n'avons pas de parents historiens, une complicité poussée avec notre directeur de recherches, et si nous ne pouvons squatter un appartement où a du crêcher Hervé Gaymard au vu de ses dimensions pharaoniques, on n'est pas si mal lotis quand on y pense.

Non, non sérieux.
Putain, on est content!

vendredi 3 septembre 2010

Retour aux archives

-Mais qu'est-ce que vous foutez là encore? On vous a assez vus, Monsieur.
-Mais quoi? J'ai travaillé tout l'été, délaissé la recherche pour l'enfer feutré du salariat. Il me reste à peu près trois semaines pour rédiger un mémoire, il me manque quelques sources écrites, c'est tout...
-Avec mes collègues du guichet, on pensait que vous rédigiez une thèse, au vu de la fréquences de vos visites.
-Non, non, ce n'est qu'un mémoire de première année que j'entreprends de composer.
-Raison de plus vous y mettre. Vous n'avez que soixante pages à rédiger au mieux, dont les deux tiers comprennent une bibliographie et les questions épistémologiques sur votre sujet.
-Oui, mais, moi, non. J'évolue par anticipation dans la cour des grands. Mon taulier veut que nous lui rendions un travail de cent pages minimum, calqué sur les modèles du genre.
-C'est un bourreau, ce mec-là!
-Je vous le fais pas dire! Vous comprenez mieux les raisons de ma présence ici, désormais. Je suis historien, ou presque, je ne peux pas me contenter du minimum comme le dernier des étudiants en sociologie ou en histoire de l'art.
-C'est beau la confraternité! Non, mais plus sérieusement, vos anars, là, qui c'est qui en a quelque chose à foutre, aujourd'hui... La plèbe qui grouille, qui pue, qui consomme, qui meurt à crédit, elle en a rien à péter de vos esthètes de la liberté. Et même, les avant-gardes autoproclamées s'en détournent. Le monde est parti pour crever tout entier dans les eaux glacées du calcul égoiste.
-Orwell?
-Exact, jeune homme. Donc, ne vous foulez pas trop. Votre directeur de recherches lira votre machin en diagonale, ne s'arrêtera que sur les fautes d'orthographe, et deux trois noms célèbres que vous pourriez citer.
-Mais il y a du cul, dans mon machin, comme vous dîtes.
-Ah ça, peut-être, que ça devrait contribuer à le rendre plus interessant. L'inanité de votre entreprise en sera quelque peu altérée.
-Tant mieux. Car je commence à être crevé de tout ça. Puis écrire sur le modèle universitaire, c'est aussi coton que de marcher avec des échasses dans les égoûts, si vous voyez ce que je veux dire.
-Métaphore bancale, mais je comprends, et compatis. Moi-même, si j'avais daigné bosser, je ne serais pas là, aujourd'hui, au guichet des archives nationales, à regarder passer ce public hétérogène, de grabataires et de puceaux.
-Vous vouliez faire de l'histoire aussi?
-Oui, mais ce n'était pas plus possible qu'aujourd'hui il y a dix ans. Bicose Gender Studies, Cultural Studies... Alors, quitte à tâter de l'archive, du papier jaune rongé par les mites, autant m'ennuyer ici, que sous les ordres d'une directrice de recherches archéo-trotksyste, gouine, mulitculturaliste, et j'en passe...
-Vous avez la sécurité de l'emploi.
-Oui, et des avantages. Vous avez vu la bande de clampins autour de moi? Mes collègues? Vieux garçons, folasses, lectrices de Closer, spectateurs assidus de Plus Belle la Vie...
-Je vous envierais presque...
-Ouais... D'autant que je ne vous envie pas, jeune homme. Au vu de la largeur de vos cernes qui descendent jusqu'à votre menton, vos yeux dont le blanc vire au jaune. L'hygiène de vie désastreuse des jeunes...
-Certes. Je picole trop, fume trop. J'ai du être une écluse dans une autre vie pour avaler tant de saloperies sans rechigner... Bon, vous me le donnez ce carton...
-Le voilà... 14 as 556, fonds Bontemps. Le carton, avant que nous en fassiez un.
-Merci. L'espoir fait vivre!
-Toujours, même...

mercredi 30 juin 2010

La Bafouille au taulier

Président adoré,

Une fois encore, j'ai été sommé de t'écrire par ton admininstration. Si je veux demeurer à la rentrée prochaine dans cette chouette Casbah qu'est l'université Paname 1, c'est une formalité impérative à accomplir. Et qui dit formalité dit absurdité, charme discret de la bureaucratie, inanité profonde de la génuflexion estudiantine. Tu me suis toujours?
Car c'est un fait avéré, tu ne liras jamais la dite bafouille, composée à grand peine, outrancièrement alambiquée pour ne vexer personne.
Aussi, je me dois de te confesser ma déception. Pas au sujet de ta boîte, bien tenue au demeurant. On pourra dire que j'ai pris mon pied cette année. J'ai tissé des liens bigrement enrichissants. Rencontré de la personne épastrouillante. Appris des choses essentielles. Je me monte un peu le chou, parfois, à force de cotoyer de la sommité intellectuelle. Je singe le thésard. Moi! Qui me suis forgé une culture générale à coup de notices Wikipedia... Pas très sérieux tout ça!

Non, je ressors de cette année universitaire, satisfait pour ne pas dire heureux. Bien que je n'aie toujours pas achevé le mémoire que je dois rendre à mon enseignant référent chéri, et que par conséquent, mon été, déjà chahuté par de peu reluisantes activités professionnelles, va s'avérer animé, riche en névroses, nuits blanches, et cuites solitaires pour faire baisser la pression. Ton major va être bien tendu.

Ce qui me vexe, dans toute cette histoire à faire de l'Histoire, c'est qu'au final, nous ne nous serons jamais croisés. A moins que je ne participe à la rentrée prochaine, à une séquestration du membre du C.A, opérée par quelques ultra-gauchisants de par chez nous, nous n'aurons sans doute jamais l'occasion de tailler le bout de gras tous les deux.
N'entretenant pas un amour absolu pour les autorités en général, ce n'est pas par flagornerie que je compte entrer en contact avec ton auguste personne. Mais par souci de réciprocité. La recherche est un exercice stimulant, prélude à se forger une conscience solide.
Et vu que tu es un peu le responsable de cet état de fait, en dirigeant le bastringue où j'exerce, j'aimerais, en signe de reconnaissance éternelle, te faire partager mes connaissances sur l'anarchisme individualiste durant l'entre deux guerres.

A première vue, je comprends que tu es les miquettes. Les anars, on veut souvent en faire une clique de détraqués, du genre sectaire, à poser des bombes entre deux sabotages de voies ferrées, mais je te jure, les miens méritent le détour. Défenseurs, voire promoteurs acharnés de l'amour libre, de l'apoilisme(ou nudisme, c'est selon), il n'y a guère que leur végétarisme pour nous faire déchanter. Apôtres de la réalisation individuelle, leurs précepts demeurent d'actualité.
Toi qui aime Tintin, à une époque où l'on veut le censurer pour racisme rétroactif, la moto, à une ère où seul le vélo concentre l'amour des masses avachies, et les pipes bourrés de tabac gris, en ces heures de tyrannie hygiéniste, se retirer de la société, fronder à son endroit à l'instar de mes anars, est une sorte de devoir qui sied à tout homme élégant. Dont nous sommes.

Alors, l'an prochain, promis, j'accomplirai un effort double. Respecter l'échéance dans la remise du travail final, et te le dédier.
Car cette somme laborieuse, aura au moins le mérite, de mettre en évidence, que du côté de Panthéon Sorbonne, on a pas le temps de s'ennuyer. Et ça, c'est bien à toi que nous le devons.

Ton major un peu tendu,
La bise.

lundi 31 mai 2010

Les carnets de l'anarchiviste

C'est toujours le même cérémonial. Il est 16h29, et nous ne doutons pas que dans moins d'une minute, l'annonce sonore nous invitant à dégager sous peu, va retentir et nous glacer un sang d'ordinaire bien bouillant.
Notre esprit frétille tel l'éperlan en poêle. Nous allons enfin arriver à bout de ce pourquoi nous sommes ici. Et peut-être même établir un brillant mémoire de première année. Va savoir, nous pourrions aussi nous faire remarquer pour la splendeur de notre étude, trouver un sens à une vie, théâtre d'un désenchantement similaire à celle d'un fonctionnaire grec subissant les joies de la rigueur budgétaire.
Et soudain, cette putain d'admonestation monocorde qui se fait entendre. L'atmosphère change. On se croirait, vu la configuration de salle, haute de plafond, d'architecture assez récente à en juger par les baies vitrées à son sommet et à ses côtés, dans la base secrète d'un méchant de James Bond à l'heure de son autodestruction. Notre mémoire auditive à l'instar d'un jukebox, nous programme un thème muscial de John Barry, sensé retranscrire la précipitation du chef des vilains et de ses affidés à se débiner avant que le ciel ne leur tombe sur la tête.
Et ici, c'est pareil ou presque. Sauf que nous ne sommes pas Sean Connery, et que nous ne comptons pas à nos côtés, une belle pépée ingénue en tenue sexy, à sauver en plus du monde libre.
On se presse pour confirmer la prolongation de notre carton au guichet. Lequel compte parmi ses ressortissants quelques beaux specimens en terme de vivacité tant spirituelle que physique. Nous nous retrouverions devant un ban d'huîtres chez le mareyeur que notre allant n'en serait pas plus atteint.
Comprenant que notre présence ici est aussi désirée parmi le personnel du site que celle d'un GI dans les environs de Fallaoujah, nous courrons jusqu'au rez de chaussée retrouver notre casier où sont empilées nos affaires civiles. Le tout après avoir démontré à la sortie de la salle de consultation que non, nous n'avons dérobé aucun document, que malgré le retard, la faiblesse de notre future démonstration, nous souffrons de quelques scrupules. C'est con, mais c'est comme ça.
Devant le casier à combinaison, nous nous trouvons amnésiques. Le code, putain! Ce putain de code à quatre chiffres, qui aurait du être en toute logique, celui de ta date de naissance, moyen mémo-technique simple, (vu que tu n'en as qu'une), et bien non, tu as voulu jouer au malin, et tu ne sais plus si au moment de verrouiller le petit réduit, si tu as choisi la date de l'accession au trône de Philippe le Bel, ou celle de la révolte des vignerons languedociens, impitoyablement matée par Clémenceau en 1906.
Alors, tu convoques le préposé aux vestiaires, qui gît mollement près des toilettes, et dont on se doute que l'existence doit contenir par milliers de moments folichons.
-Monsieur, me souviens plus de mon code.
-Z'aviez quoi dans votre casier?
-Bah, mes affaires...
-M'en doute bien!
-Un sac Eastpak noir, une veste bleue marine achetée en solde au Zara de la rue de Rivoli, un paquet de Fortuna, le dernier numéro du Monde Libertaire, et d'autres trucs parfaitement inutiles.
-J'vous z'ouvre. Mais la prochaine fois, souvenez vous de votre combinaison. C'est pas compliqué merde!

Non, c'est très simple, ajouterions-nous si nous n'étions pas dépourvus de zèle.
Cette évacuation s'achève sur ta sortie dans la rue. La salutaire bouffée d'air, après cette évacuation au pas de charge, exécutée de façon gauche. La fille aux jolis mollets, au minois tout doux, à la chevelure ondoyante, s'en va vers Rambuteau, quand tu t'en vas vers le métro Saint Paul.
Et c'est là, plus que lors de la manoeuvre piteuse que tu viens d'effectuer, que tu mesures, mieux que tous les philosophes et autres littératures qui se bousculent depuis des lustres pour dépeindre les tourments de l'âme, l'incroyable absurdité de ta condition.

mardi 20 avril 2010

A nos anciens


Le physique ne doit jamais être l'élément déterminant pour juger de la qualité d'une personne.
Ce propos qui ne transpire pas l'originalité, et qui pourrait même faire partie intégrante d'une hypothétique anthologie des aphorismes proférés en milieu cosmétique, est toutefois à prendre en compte avant ce qui va suivre.

Fréquentant de façon (presque) assidue différents centres d'archives ou bibliothèques spécialisées en vue de la rédaction de notre mémoire, nous constatons qu'un public, résolument non estudiantin, squattent ces places avec aplomb.
Nous y trouvons évidemment des enseignants chercheurs , dont c'est le métier d'éplucher du carton, de respirer leur poussière, de s'abîmer les yeux à la vision des microfilms, et d'accessoirement snober l'étudiant honteux promis à un destin aussi reluisant qu'un Tupolev polonais en fin de vie, contenant à son bord une cohorte de bigots que le regretté Général Jarulezeski a omis de mâter.
Ceux-là, jaloux de leur position, au fait des codes parfois tortueux voire kafkaiens des lieux d'archives, s'y pointent dès potron-minet, pour n'en partir qu'à la fermeture.

D'autres personnes, étrangères au sérail universitaire, prennent également place dans ces sentiers de la création historique. Nous ne saurons les caractériser socialement parlant. Nos connaissances en sociologie sont aussi arrêtées et faibles que chez le premier étudiant en journalisme venu, et justement maltraité en ce sens par les députés européens archéo-jacobins qu'ils ont le mauvais goût de déranger entre deux piges boîteuses.

Nous constatons juste que cette fange est âgée, à jouir des émoluments de sa retraire, et se distingue par des propriétés physiques d'une homogénéité troublante. La généalogie, la curiosité, souvent malsaine, les poussent à fréquenter des lieux dont l'accès devrait nous être, si il existait une justice dans ce bas monde, exclusivement dévolu.
Le sujet féminin, caduque, offre à la vue des fesses plates, et des seins plongeants, contenues dans un ensemble vestimentaire qui a du faire des émules au temps de la République Démocratique Allemande.
Le sujet masculin, tout aussi flétri et en proie à des accès grabataires, se montre lui la ceinture abdominale rebondie, que peine à contenir un pantalon en velours défraichi, qui lui a dû être témoin de la défaite de Dien Bien Phu ou du dénouement de la Crise de Suez dans le meilleur des cas.

Nous n'entendons pas ici nous acharner sur nos ancêtres, bien que ces derniers cooptent, et perturbent à l'envi, avec leur insolite présence, la salubrité de nos travaux.
Nous n'entendons pas non plus, bien que conscients du fait, faire de ces gens qui n'ont vibré au cours de leur vie qu'à la lecture du couple académique Castelot&Decaux, ou du bonapartiste outré et outrant Max Gallo, des ennemis de classe, freinant l'avènement du socialisme.
Nous nous sommes arrêtés à quelques malheureuses considérations physiques, qui bien que partiellement dégradantes, ne sauraient préjuger de leur qualité.

Force est de constater que nos lieux de recherche, qui tiennent plus de l'hospice que de la halte garderie, avec leur fort contingent de vieux, nous amène une fois de plus à émettre la remarque suivante, à l'attention des directeurs de programmes des chaînes de télévisions.

Messieurs, adoptez une attitude plus digne envers nos aînés. Cessez de leur soumettre les sempiternelles médiocrités, l'indigence conjuguée des feuilletons policiers d'Outre-Rhin et soap-opéra d'Outre-Atlantique.

Nous n'attendrons pas la canicule pour être débarrassés du triste spectacles, de nos aînés, qui vont la démarche chancelante, l'haleine fétide, harceler l'archiviste, et nous ôter la consultation du carton de la Série F7 12844, dont nous avons cruellement besoin.

jeudi 1 avril 2010

The big mistake


La désillusion gagne les cœurs et les esprits. C'est pourtant pas faute d'avoir voulu échapper au dépit, et au répit, comme à toutes ces choses qui vont de mal en pis.
Nous sommes cernés. Un village gaulois entouré de camps retranchés. Une bourgade palestinienne face à l'irrésistible avancée des bulldozers de joyeux lurons sémites mais non moins orthodoxes. Une tribu de papous qui n'aura bientôt plus que ses formidables étuis péniens comme lot de consolation.

On s'explique. Nous pensions évoluer dans une structure où les éléments de la réaction, à défaut d'être nombreux, faisaient preuve d'une honorable discrétion. Nous songions enfin à pouvoir nous adonner à notre prosélytisme ravageur, à savoir professer le chambardement du vieux monde, la destruction totale de la société du spectaculaire-marchande, danser sur les ruines fumantes des hypocrisies contemporaines, bref, amorcer un semblant d'horizon reluisant, la société communiste, paillarde, sensuelle, mais diablement raffinée.

Nous pensions en outre terrasser l'infamie bobo, le refoulé petit-bourgeois de gauche. Que les amphithéâtres fussent le spectacle de joyeuses orgies, ou entre deux rasades de Pousse-Rapière, nous aurions disserté le cœur léger sur la façon la plus adéquate de faire sécher les tripes des méchants au soleil.

Dire que nous avons été dans l'erreur relève du plus plat euphémisme. Non que notre paradigme soit bigrement défectueux, nous y sommes désormais plus qu'attachés. C'est que la structure où nous évoluons, cette université, cette faculté, est le théâtre conforme des petitesses, et autres vilénies du Monde Moderne.

Paris I a son Lidpub, son spot promotionnel, où une bande de cruchots et cruchettes à la cervelle de mollusque assurent la promotion de la faculté, de son prétendu cadre de vie qui n'en saura jamais un.
Paris I compte encore plus d'émules de Eric Zemmour que dans l'état-major de Marine Le Pen.
Paris I voit ses plus charmantes demoiselles être séquestrées par des ordures totales, des poujadistes complets qui conjurent dans l'ombre, dissimulés sous un verni intellectuel chafouin.
Paris I a perdu Jacques Marseille. Dieu a rappelé lui l'économiste car affligé de ses sempiternelles conneries. Il a juste omis que le reste du corps enseignant ne valait pas mieux.

La question? Que foutons-nous encore entre ses murs? Les masques tombent à chaque nouvelle journée, laissant entrevoir comme sur la façade d'un vieil édifice gothique toute la pourriture amassée avec les années.


Maman, j'veux m'en aller! Ils ont enterré Jean Maitron!
Je trouverai un Master à Paris IV l'an prochain, on retournera au bercail, c'était pas si affligeant en fait. ..

jeudi 4 mars 2010

Merci? Pitteux, J.R

Cher Jean-Robert,

Mon cher Jean-Robert Pitte, la familiarité n'a aucune raison de présider à notre relation.
Nous nous sommes jamais fréquentés, et comme beaucoup d'indigents de par le monde, tu ignores jusqu'à mon existence.
Je te connais, moi. En tant qu'ancien président de Paris IV Sorbonne. Également, par tes saillies largement relayées par les médias, heureux de trouver en toi un "pourfendeur du politiquement correct." En somme, un de ceux qu'on nomma jadis les déclinologues. Qui pour sortir la France de son marasme, se proposèrent de lui infliger une cure de jouvence ultra-libérale, et qui crurent au grand soir, une fois Sarkozy élu.
Seulement, la crise aidant, Guaino conspirant, les sondages faisant, vous avez du déchanter, remiser à une date ultérieure l'avènement d'une France enfin "débarrassée du socialisme", comme le clame avec mesure le marchand d'armes, et néanmoins poète, Serge Dassault. Les premiers déçus du Sarkozysme, avant la masse d'employés qui crurent qu'en turbinant plus, ils pourrait amasser plus.

Tu fus mon président, lors des deux premières années de mon ennuyant séjour en Faculté d'Histoire. Avant d'être évincé par une sombre conjuration, réunissant contre ton auguste bienséance, fidèles d'hier, crypto-staliniens, et autres nostalgiques de l'Albanie d'Enhver Hoxa.
L'immobilisme français, que tu stigmatisais avec force, a ainsi pris sa revanche, incarnée par le rhétoricien Molinié, dont la diction, comme les idées, sont bigrement confuses.
On ne reviendra pas ici sur ton atlantisme, ton homophobie supposée, tes notes de frais astronomiques, tes génuflexions répétées aux Émirs du Golfe, pour qu'ils souscrivent à l'implantation dans leur désert mortifère, d'une antenne estampillée "Sorbonne."

Car aujourd'hui, c'est l'œnologue, l'amateur raffiné de vins et spiriteux, qui milite pour que l'UNESCO considère notre gastronomie à la hauteur du temple d'Angkor, ou des pyramides de Gizeh, que j'aimerais applaudir de mes deux mains cagneuses.
Toi, que je vouais aux gémonies autant que le souvenir du Général Pinochet, les carottes râpées, et les eaux minérales surchargées en magnesium. Toi dont j'espérais le terrassement à l'issue du grand chambardement, qui allait précipiter toutes les fripouilles conservatrices dans les oubliettes, ou poubelles de l'histoire, tout dépend de l'idée qu'on se fait du confort.

Et bien, laisse moi dire, que la furie prolétarienne t'épargnera. Surpris, hein?
On efface l'ardoise. L'amnésie quant à ta personne, devient totale. On te fait grâce du nombre incalculable de fois, où tu envoyais les flics nous gazer quand nous voulions seulement tenir une A.G.

On apprend que tu veux réintroduire le pinard dans les restaurants universitaires. La lumineuse idée. Familiariser le milieu étudiant, si prompt à se cuiter de façon minable, avec les meilleurs sirops de notre terroir. Voilà qui les rendra heureux, leur fera oublier l'étendue de leur misère, et leur horizon bouché, ou nul.
Et puis le vin, est une liqueur dont les vertus ne sont plus à chanter. Avant de soutenir un exposé, un mémoire, ou même défendre sa thèse, ingurgiter un petit canon s'avère indispensable, pour la fortune des cordes vocales, et un bon fonctionnement physiologique général.

Voilà aussi qui ramènera les étudiants vers les C.R.O.U.S. Qui précipitera la chute de la consommation de sodas, et la fermeture de toutes ces chaines de restaurations à la bouffe formatée, saturées de mauvaises graisses, aux boissons pauvres en sulfites. Ces lieux de perdition, où les plaisirs de la table sont moindres, qui demeurent seulement prisés des crétins qui ont les papilles en berne comme la zézette.

Merci, Jean-Robert.
Avant que ton idée fasse naturellement son chemin, je ne serais intégralement satisfait que si tu daignes nous octroyer picrates dignes de ce nom. Autant se piquer la ruche avec du bon, et pas avec du casse-patte, mais du enchante-pitte!
C'était facile. Un dernier effort, président adoré. Si tu tiens tant à nous fourguer du pif, fais preuve de zèle. Vide ta cave!

lundi 1 mars 2010

Pour venger les pépères


Le cérémonial demeurait en l'état, inchangé, malgré les années. On ne savait même plus comment il fut institutionnalisé.
Le Rétif fermait la porte de sa mansarde sous les coups de sept heures et demi du soir. Dans les escaliers, il croisait sa propriétaire, une femme d'une cinquantaine d'années, pas trop amochée par la vie. Elle était riche et bohème. Affichait toujours cet air ravi qui était une marque à peine déguisée de sournoiserie.
Ensuite, il se dirigeait vers le marchand de vins et spiritueux, demandait une bouteille de Cutty Sark qu'il réglait toujours en liquide. C'est vers le métro que ses pas l'entrainaient ensuite. Direction le treizième arrondissement.
Près du pont de Tolbiac, on comptait une ancienne fabrique reconvertie en squat, où se réunissaient des gens qui se nommaient "alternatifs". Et aussi quelques marginaux, qui eux n'allaient pas chercher ailleurs que dans leur passif, les raisons de vouloir foutre en l'air la société.
Le Rétif était de ceux là. Ainsi que la Cigale, un grand provençal au nez allongé, charmant comme son accent. Et puis Le Bourguignon, qui depuis quelques années, avait perdu son large sourire contre une mine empruntée. D'autres qui avaient connu la traumatisante expérience du "séminaire" se joignaient parfois à eux.
C'est dans une salle à l'écart du squat que prenaient place ceux qui avaient connu la Sorbonne en ce temps-là. Aux tenants du lieu, ils avaient imposé leur présence lors d'épiques joutes où la persuasion s'obtenait au tesson de bouteille.
Confinés dans leur cellule sombre, faiblement éclairée par des bougies chauffe-plat, les "anciens", ou "survivants", se piquaient gaiment la ruche jusqu'au lever du jour.
Ils évoquaient là leur ressentiment. Vis à vis de l'institution universitaire qui en avaient fait des clodos, des loques humains aux perspectives d'avenir limitées, pour ne pas dire nulles.
Une fois leur diplôme obtenu, les concours passés, ils avaient enchainé missions, stages, vacations. Connu une forme de précarité aliénante.
Leurs trajectoires, rompues, avaient fini par se recouper. C'est de la même rancœur qu'ils se nourrissaient, la même hargne dont ils soupaient.
Aussi avaient-ils décidé à un moment précis de conjurer leur frustration. Durant leurs causeries, ils avaient sans peine, réussi à établir qui les avaient foutus dans le merdier, précipités dans la jungle des contrats intérimaires, rémunérés en crottes de nez. Et dès lors, les choses allèrent de leur mieux.

On avait rédigé une liste, pris soin d'y inscrire les noms des fautifs.
Les enseignants, qui se livraient régulièrement sur eux à des humiliations, qui feraient passer les tournantes pour des goûters d'anniversaires, eurent le droit au chapitre. Ceux du séminaire, les anciens du Master "Histoire contemporaine des sociétés Occidentales", chacun dans leur spécialité, exécutèrent leur vengeance avec une implacable détermination.

Le Rétif, qui vivait essentiellement d'escroqueries, de larcins et de cambriolage, les initia à la voltige, au maniement des armes, aux affres de la clandestinité, à se procurer de l'argent en toutes circonstances. La Cigale, s'occupa de dénicher adresses où étaient recluses les badernes qui les avaient humiliés. Le Bourguignon, lui, apprit à cacher son arme de poing muni d'un canon silencieux dans les hots-dogs dont il avait toujours été friand.

Le prof qui avait un cheveu sur la langue et les snobait, son acolyte alcoolique, la vieille languedocienne qui les tyrannisait à coups de tableaux sémantiques, furent leurs premières victimes. On compta aussi dans les macchabées, les prétentieux, du style Verschu, petit normalien fumiste et suffisant qui finit le corps criblés des trois chargeurs des flingues du Rétif, de la Cigale et du Bourguignon.
Les armes parlaient, et ne semblaient pas vouloir se taire. On nous avait mentis. Pris pour des billes. Reçu de la condescendance au kilomètre, car nous étions provinciaux, travailleurs, banlieusards. Nous n'avions pas votre morgue, et vous nous avez en retour montrés toute votre nuisance.

Le fléau ne semblait pas prendre de fin. Et quand les anciens séminaristes qui s'employaient dans la vengeance à renouer avec une dignité piétinée, se retrouvaient le samedi soir dans le squat, ils buvaient de grandes rasades d'alcool fort en se souvenant, émus, des causeries du mardi après-midi.

jeudi 18 février 2010

Supplique à Lulu


A quoi postules-tu Lulu?
A devenir pisse-copie? Tu n'es pas sérieuse! Journalisse'? La Presse? Faut-il qu'on te refasse la démonstration de la petitesse de cette corporation?! Que dis-tu? Tu veux l'infiltrer, et la réformer en profondeur? Mais elle est pourrie jusqu'au fond du trou du cul. Ce serait une entreprise dérisoire. Ubuesque, même. Détenir une carte de presse, c'est le sésame de l'étroitesse d'esprit, la servilité homologuée!
Il faut crouter, c'est certain. Entrer dans la carrière, quand nos aînés n'y seront plus. Pas certain qu'on retrouve la trace de leurs vertus, mais pour ce qui est de leur encombrante poussière...
Tu tiens vraiment à y pénétrer, toi, dans le Monde du Travail, comme ils disent? Tu ne préfèrerais pas être bohémienne des fois? Saltimbanque? Arpenter les routes. Le monde est vaste, à ce que l'on peut croire. L'aliénation, ma petite, on ferait mieux de la fuir, plutôt que d'y sombrer tête baissée. Allez, reprends-toi Lulu!

Quoi? Je le sais... Que tu ne te prénommes pas Lulu. C'est pour protéger ton anonymat, mon petit chou. Car, sans trop te connaître, tu m'es sympathique. Ton minois, je ne l'ai toujours vu que irradié par un sourire large, laissant entrevoir une jolie dentition. Ton petit air mutin, si plaisant à contempler, quand les autres ne savent que tirer la tronche... Tes petits cheveux bouclés! C'est un atout ravissant, cet ordonnancement capillaire! Je sais de quoi je cause...
Et je n'aimerais pas qu'on dise des méchancetés sur ton compte. Qu'on te décrive comme une arriviste forcenée. Qu'on déniche chez toi une petite once de médiocrité! Avec un sourire pareil, la chose n'est pas permise!
Reviens au bercail Lulu! Aux séminaires quoi... Les cours, tout ça... Tu es encore inscrite à la fac je crois?! Et pas seulement pour empocher la bourse, et avoir la mutuelle, hein?! Ne viens pas valider les poncifs des vieilles badernes qui veulent transformer notre Sorbonne, en fabrique, réduite à produire de la chair à patron! Pas toi... Et cesse d'entraîner dans tes petits élans mes camarades, hein! Je te vois, tu sais...

On va commencer doucement... Par une phase de rééducation intellectuelle. Le terme est sauvage, et renvoie à l'expérience au succès contrasté du président Mao, mais force est de constater qu'une révolution culturelle s'impose! Répète après moi: "Les Médias Mentent!". Force toi un petit peu, je te demande pas de me réciter la Divine Comédie!
Allez ma chérie... Carapate-toi loin de ce vilain monde! Du vieux monde! Qui n'attend qu'une seule chose! Que tu lui portes le coup de grâce!

Bon, on est d'accord, à présent. Il va aussi falloir que tu te mettes au chant lyrique, au théâtre, et à de saines activités. Jette-moi cet I-Phone! Il va falloir que tu redécouvres la paresse, cet état qui prélude à l'enrichissement de l'âme. Que tu fasses de ta vie, autre chose qu'un spectacle, où tu soies obligée de composer. Quelque chose de fougueux, de flamboyant. Envolons-nous à Ipanema! Tentée par un petit cocktail, un peu de soleil? J'imagine ta frêle silhouette, déambuler le long de la plage, les tongs à la main. Une petite chemise en lin sur les épaules, les pattes découvertes... Et là, j'ai envie de croire en Dieu, où à ce qu'il en reste.

Volupté, ma petite, volupté... Ce n'est pas un pêché. Imitons la Perle. Cette comparse partie sous d'autres cieux. Je protège aussi son anonymat. D'autant qu'à l'heure actuelle, je la sais en Colombie. Et ça me chagrinerait de la savoir entre les mains des Farcs ou des Paras, ou des Narcos, ou d'Uribe. Une étudiante comme toi, qui ne se refuse pas à l'aventure! Foutrement plus riche que de se farcir le journal télévisé dans un coin reculé de notre Pays, histoire de démontrer, que ce média est à chier, et que la Presse Internet où tu piges vaut mieux.

Allez, chérie, un dernier effort. Tu déboutonnes ton chemisier... Tu as chaud?? Moi aussi, tiens. Le Vieux Monde peut nous attendre. On est tellement plus à l'aise sous la couette.

mercredi 6 janvier 2010

The place to be (or not).

-Alors Paris I c'est bien?
-Oui! It's the place to be!
-Quel enthousiasme! Et ton mémoire, ça avance?
-Euh... Si l'on considère qu'un escargot blessé, la coquille endommagée, malgré son inhérente lenteur effectue une certaine marge de progression en une journée, et bien oui, on peut dire que j'avance.
-Rappelle moi ton sujet, déjà....
-Tu veux qu'on se fâche ou bien?
-Non, non! Mais tu vas t'y mettre sérieusement? Tu délaisses un peu le salariat, là?
-Je lâche un peu la bride, en effet.
-Tant mieux pour toi!
-Oui, et puis vu la conjoncture économique actuelle, faut demeurer lucide. A défaut de gagner ma vie, la Fac me permettra de gagner mon chômage.
-Bah tu vois! C'est un bon début! Et les profs, tu m'as pas dit, l'ambiance et tout ça?
-Niquel! Entre les provinciaux blasés, les déclinaisons féminines de Maître Capello, les dandys impénétrables, y'a pas à dire, je suis verni!
-C'est pas un peu réducteur, ce que tu m'avances, là?
-A peine. Si j'avais l'esprit de synthèse, je dirais même que j'enjolive le tableau. Non, mais sans rire... Leur truc où je suis, c'est l'Histoire Sociale. Et bien crois-moi, ils sont nombreux à avoir la touche syndicale. Barbus, chemises de bûcheron, les bras épais comme un gigot. Tu n'as plus qu'à leur enfiler une chasuble luminescente, et tu te croirais à un défilé du premier mai, dans les amphis. Je n'ai pas le sentiment d'assister à des leçons magistrales, mais à des permanences syndicales de SUD.
-De toute façon, Paris I, c'est réputé pour abriter un petit nid de subversion. La chose ne devrait pas te déplaire?
-Non, c'est vrai que les cours auxquels j'assiste sont le théâtre de fougueux débats, et d'intenses controverses. On y voit d'obscurs anciens khâgneux y malmener toute la production historiographique, le tout sans mauvaise foi, sans aucune prétention, ni fumisterie.
-Séjour agréable, donc?
-A quelques nuances près, oui. Je pense que j'aurais du m'y inscrire plus tôt, et ne pas attendre le Master pour y étudier. D'autant que niveau cadences infernales, je ne suis pas chez Stakhanov.
-????
-Je ne dis pas qu'on glande nib, mais le seul est fait qu'on est pas tout le temps sur notre dos. Je me souviens une fois, avoir voulu à mon grand dam, demander un renseignement à mon enseignant référent. Je frappe à la porte de son bureau, aucune réponse. J'ouvre, et je le vois affalé sur son fauteuil, les pieds sur le bureau, en train de feuilleter le Droit à la Paresse, de Paul Lafargue. Le tout avec une capirniha à porté de main, et une vieille chaîne HI-FI qui crachait de vieilles biguines, et quelques cha-cha somnolants.
-Bon, faut les comprendre. Avec tout ce qu'ils doivent publier pour demeurer en place, et conserver leur petite notabilité. Faut bien se détendre! Tu ne regrettes pas Paris IV au moins?
-Certainement pas. Entre le corps enseignant composé exclusivement de crapules versaillaises (à l'exception notable d'une communiste orthodoxe), et les étudiants, tous plus ou moins débonnaires, ségolénistes, sans identité sexuelle clairement définie, vaniteux. Et je fais l'impasse sur ces petites tâches qui se piquent d'être impertinentes. Ils nourrissant des fantasmes de pogroms, écrivent de ronflants poèmes, et s'empourprent dans le ridicule en moins de temps qu'il n'en faut à Eric Besson pour dire une connerie.
-Et bah, dis-moi, quel portrait flatteur! Aigri?
-Non, aigre-doux.
-Et les gars, les nénettes à Paris I?
-Sympas. Fougueux. Voyageurs, blanquistes, bourguignons, pornocrates, libertaires, situationnistes, monarchistes refoulés. Que du beau monde!
-C'est la place, quoi!
-Pas encore un phalanstère, mais ça va. The place to be. Or not.