vendredi 30 janvier 2009

Où le courage n'est point vertu affichée chez les Geeks

La vilénie dont souffrent les jeunes est notoire. Il n'existe point d'âge aussi cruel en matière de relations humaines. Songez qu'il est normal que les adultes se haïssent entre eux avec un soin redoublé, ils s'accommodent même très bien de ce phénomène.

Outre son âme noire, la jeunesse, souvent frivole et légère, n'est rarement étranglée par le courage. Assumer ses actes, et concevoir sa responsabilité, sont des principes lui étant tout à fait étrangers.

J'en veux pour preuve une manifestation de méchanceté caractérisée dont certains étudiants de notre Sorbonne firent la démonstration à l'encontre d'un des leurs.

En ces temps là, la virtualité avait gangréné l'ensemble de la société. C'était le triomphe d'Internet, sorte de monde parallèle, où l'humanité échangeait denrées et informations de tout ordre, un peu à la manière de ce qui se produisait sur les forums des antiques places romaines.
Le site de réseau social Facebook accueillait beaucoup d'internautes. Son principe de fonctionnement était simple. Moyennant la création d'un compte personnel à son nom, on pouvait retrouver la trace d'anciens amis, échanger des informations, débattre de l'actualité, s'inviter à quelques agapes, ou se retrouver au sein de groupes où les affinités étaient communes. Exhibitionnistes, pervers, conspirationnistes tout comme les gens dits "normaux" s'y retrouvaient quotidiennement.

Certains des pensionnaires inscrits dans notre université avaient entrepris de créer un groupe sur le site de réseau social susnommé. Ce groupe n'était point dédié à la mémoire d'un illustre historien, et n'entendait point revendiquer davantage de justice pour le monde étudiant souvent exposé à la précarité.

L'idéal commun réunissant ce peuple était de régler son compte à un individu qu'ils avaient affublé du sobriquet suivant "Xavier le Lépreux". Nos congénères honnissaient un personnage de petite taille, au physique disgracieux, et à l'étourdissant débit de paroles. Le dit Xavier, portait des lunettes au milieu d'un visage rougeâtre, et on pouvait deviner à contempler sa tignasse qu'il l'entretenait de façon très irrégulière. Pellicules et plaques d'ecsema y prospéraient. Son intense débit de paroles agaçait le tympan tout comme sa voie stridente. Une sorte de Monsieur Je-sais-tout, dont peu de gens recherchaient la compagnie, quand tant d'autres la subissaient.

L'insolite réside ici. Personne n'avait jamais forcé nos héros vengeurs à cotoyer l'agaçante pipelette. S'ils avaient en commun certains cours avec lui, ils n'étaient pas obligés de s'agglutiner à lui pour mieux l'attaquer une fois le dos tourné. L'insignifiance du personnage qu'ils pourchassaient était réelle. Il n'était nuisible qu'à l'oreille, ce n'était pas le genre de personnes qui se complut à dénigrer autrui avec perfidie.

Le courage n'étrangla donc point cette jeunesse. Jamais aucun d'entre eux ne s'était hissé devant la pie rougeâtre pour lui intimer l'ordre de fermer sa gueule. Personne n'avait eu l'outrecuidance heureuse de lui offrir quelconque flacon de Biactol ou d'Eau Précieuse pour remédier à la souffrance dermathologique dudit Xavier. Pis, les mêmes qui sur la toile maudissaient le vilain, le flattaient le lendemain une fois qu'ils le croisaient dans les couloirs de l'université.

Les membres de ce groupe étaient pour la plupart d'illustres névrosés, quand ils n'étaient pas suffisants et légèrement idiots. Du reste, aucun ne put prétendre décrocher un prix de beauté. Même s'ils étaient moins atteints physiquement que leur cible, leur beauté physique était toute relative voire inexistante.

S'en prendre à des cibles faciles, voilà bien une démonstration éclatante de faiblesse d'esprit.
Plutôt que de vilipender leurs professeurs dont la plupart étaient d'immondes crapules réactionnaires, ou de protester contre les réformes de l'université entreprises par la droite régimaire et qui diabolisaient encore plus les sciences sociales, nos amis préféraient s'en prendre à un crapaud hissé sur deux pattes.

Plus que le courage, c'est la grandeur d'âme qui faisaient défauts chez eux.

Soeur Emmanuelle, Quand j'étais pas nonne, j'étais pas nette, Les lépreux ça déchire, éditions de la Croute dorée.