jeudi 21 mai 2009

Dialogue de sourds façon Céline

Foutre!
On dirait que la paix est revenue! Un armistice à la drôle de saveur... Docteur Destouches, c'en est fini de la bataille! Le clairon a sonné, et on mettra du tricolore à toutes les fenêtres, pour marquer le coup...
L'immonde bête versaillaise, la Pécresse, là, bah elle leur a mis une jolie raclée aux obstinés... Dans l'os, même.
Foutrement arrogante, la grande gigue! Une jolie blonde du reste... A l'extérieur, parce que dedans c'est autre chose!
Et les boutonneux et les grandes consciences qui menaient la fronde, eux, n'en ont plus que pour leur Molinié... Dame! On m'ôtera pas l'idée, un peu sotte ceci-dit, que ces gens-là, sont des drôles, une Guignol's Band, à eux tout seul.

-Eh, Bardamu, arrête-là ton charabia veux-tu! Et de déconnarès sur la pomme de tes potos, tes camarades d'infortune. C'est pas du propre, ça!

-Molinié, avec son dentier de travers, et son élocution toute aussi ravagée, bah, c'est une sorte de martyre à présent! Nous a fièrement défendus, le stylisticien, qui fait aussi office de taulier!
Moi les tauliers, j'ai toujours eu que du mépris pour eux... Sale garnement, va! Et d'en faire des martyrs, je trouve ça croquignolesque à souhait...
Insensé, je dis, d'ériger en becté par les fauves façon Colisée romain, un gars qu'est en rien un tupamaros...

-Puisqu'on te le dit, foutre, que c'en est un! Vachard que t'es, à de gondoler de cette façon! Terré comme un lapin de garenne, t'étais toi, tandis qu'on frondait, nous... Devant ta téloche, à te refaire tout le ciné des années 40, l'Hollywood de Hawks, Houston, Fritz Lang! Ou à empoigner ta tige pour lui faire cracher des immondices!
Le courage t'étrangle pas, toi...

-Ouais, d'abord, planqué que je suis!
-Perdre son temps, en arpentant les troquets Rive Droite... A refaire le monde, tout seul, dans ta turne! Toi et ta cervelle étriquée... Où étais-tu, pendant le drame? Comme les rats, tu fuis, et la lâcheté t'effraie pas! Tu t'en accommodes, tu t'en glorifierais presque...
Le magyare du Faubourg Saint-Honoré, nous fait la misère, et toi tu t'en cognes! T'as même pas chopé la Princesse de Clèves, en librairie! Fallait nous voir sur les marches du Panthéon, en train de déclamer du Madame de Lafayette! Même des arrrrrrtiiissssses... Qui nous ont soutenus! Du bobo théâtreux, la gueule respectable, et le costard en étoffes bien mises! Sauver la littérature, et l'université! La recherche, et tout le bastringue!

-Monstrueux, que je suis, et j'assume! Je n'entends rien sauver de ce monde en loques! Dans le tracas, que je suis, dès qu'il s'agit d'agiter son fessier et sa bonne conscience. Je n'ai pas le même aplomb que vous. Vice terrible que le mien... Au bagne et au poteau, pépère! Examine ta conscience, fais la reluire, mets-y un adjectif dessus! « Le ténia qu'il a » disent les sangsues en coeur! Mes directeurs de conscience! Charogne, que je suis! Dégueulasserie, et tout le tintouin! Ça devrait venir me tarabuster, la nuit, quand je tente de trouver le sommeil, la joue collée contre l'oreiller. Remué dans le plume, à m'en arracher la touffe!

-Débiné, que t'es! Et tu t'en vas les continuer tes vacheries! Ta sournoiserie affreuse, ton méthodique persiflage, ta pédanterie crasseuse!
-Ouais, tu l'as dit bouffi! Et toi t'iras faire le beau avec le môme Besancenot! Les joues de rongeur, et les bonnes intentions! T'iras voir les pue-la-sueur, défendre la misère de Saint-Salarié! Tu verras ce que c'est qu'une usine, la myriade de prolétaires qui s'usent la santé pour peau de zob! Initié, que tu seras! Dans la cour de ces prisons qui disent pas leur satané nom, tu participeras à des A.G autrement plus animées que les nôtres.... Des AAAAAgéééééééééééssssssssss! Foutre! Génialissime spectacle que celui-ci! À s'en décrocher la mâchoire! Les pleureuses et les vilains qui s'y écharpent, à grands renforts de mots de singe, et bah, y'a pas à dire, ça va me manquer! C'était Voyage au bout de l'ennui, où je m'y connais pas...

-T'es rien que de la saleté! Tartuffe! Versaillais! Louis-Philippard! Thermidorien! Hitléro-Trotskyste! Vantardise et suffisance!
-Ouais, et toi aussi, tu l'as épousée la suffisance! Même que c'est ta catin favorite! Vous allez rejoindre le caveau ensemble! Mariage heureux, je prévois!
Quand tu feras le journalisse' ça te suffira... Tu découvriras ce que c'est! Tu cracheras sur les loquedus, comme la mère Rollot l'a si bien fait! Ah la damnée salope! Si la rosette lui pend pas au nez, là encore, je ne m'y connais pas...
Et la mère Duval, n'en parlons pas. Rien qu'à évoquer son blaze, ça me cause des trucs de dedans tubulure!
Plus sérieusement, si c'est mal barré pour moi, pour toi, je prédis rien de grandiloquent! Vénérer conjointement et benoîtement Obama et Besancenot, faut le faire! Le crypto-libéral et le crypto-trostskard! Hollywood et le fils Krivine! Je me paie ta fiole, c'est de bonne garde! C'est toujours toi qui sera dans les starting-block, le premier jour des soldes! L'union de Karl Marx et d'H&M! Foutre bon dieu de couple! Blockbuster et Commerce équitable! Nike et développement durable! La bonne conscience dans la besace, et la prostate chancelante! T'en reviendras, va, du tumulte. Plus beau, plus propre, plus moutonnier que jamais!
T'as la vie devant toi! Et belle en plus!

vendredi 15 mai 2009

Ordurerie

Chère Valérie,

Permets-moi de réagir. Je m'adresse directement à toi, car tu es ma ministre de tutelle, et que tu prétends "me donner des preuves d'amour".

Déjà, tes sentiments, tu peux te les carrer où je pense. Excuse moi cette impolitesse, prélude à beaucoup d'autres.

Si la situation est aussi pourrie, ce n'est que de ton exclusif ressort. Tu me répondras que je suis entouré de gens de mauvaise volonté, et orientés politiquement.

M'en fous. Déjà, je m'entoure de qui je veux.

Je ne reviendrai pas sur l'étendue de ta lâcheté. Ni sur la servilité borgne que tu démontres à ton patron. Après tout, tu as choisi d'être là où tu es. Aucune mansuétude. Je laisse ça aux curetons, vois-tu.

Aucune raison non plus que je revienne sur ces quinze semaines de conflit.

Laisse moi simplement te signifier mon mépris le plus profond.

Avec ma graine d'ananar, tu ne pouvais pas t'attendre à mieux.

Tu t'es permise quelques libertés et traits d'humour fielleux sur notre compte. Et ça, tu en as le droit, mais j'entends qu'il soit à l'avenir très limité.

Tu t'es exprimée sur Fun Radio récemment. Sans doute espérais-tu convaincre les derniers flibustiers de cesser au combat, et rassurer la jeunesse de France sur la scélératesse de tes projets.

Sauf que les jeunes n'écoutent pas Fun Radio. Dommage pour toi. Ils n'ont pas la cervelle assez ratatinée pour écouter une station qui diffuse de la musique débilitante programmée par des gonzes cocainés tous plus ou moins syphilitiques.

En dehors de quelques garçons de café provinciaux, ou de quelques shampouineuses seine et marnaises, qui écoute Fun Radio?
C'est nul d'avoir choisi cette radio. Ce n'est pas la première fois que tu te ridiculises avec applomb, et c'est pas moi qui vais chialer.

La seule chose que je te demande, c'est de partir, loin. De nous lâcher la grappe, car la patience, comme ton esprit a ses limites.

Je veux mon semestre neutralisé, ou obtenu avec facilité, t'entends?

Et malgré ton opposition, je compte l'avoir. Et tu ferais mieux de me donner ma licence. Comme ça, je ne moisirai pas plus longtemps dans cet univers moisi qu'est celui des facultés.

Je te préviens, Valoche, je suis un comité inivisible à moi tout seul.

Obtempère sous ma sainte menace, sinon, je ne réponds plus de rien. C'est jamais agréable de trouver de la merde de chien sous son paillasson le matin, alors obéis.

Voilà, mon ultimatum. Mes conditions. Et celles de tous mes copains, qui sans leur accord, m'ont délégué la responsabilité de cette lettre ouverte.

mercredi 6 mai 2009

Reporter de guerre

La Sorbonne est prise en otage. Nous le savions déjà, et pas seulement grâce au concours de la presse nationale, qui se montre aussi raisonnable qu'un Frédéric Lefevbre dès qu'il s'agit d'aborder la question des conflits sociaux.
Ce que la presse ignore, c'est le climat sordide qui y règne. La Sorbonne est désormais désertée par ceux qui la faisaient vivre. Elle offre le même spectacle désolant que Beyrouth après un raid de l'aviation israélienne.


Une situation chaotique
Théâtre d'une véritable guerre civile, on y voit des bandes armées y semer le chaos sur leur passage. Des étudiants faméliques errent dans ses couloirs, l'âme en peine, et s'adonnent à l'adresse des rares chalands qui s'aventurent en ces lieux de perdition: "Un semestre ou deux, pour continuer à étudier s'il vous plaît!" Les murs sont criblés d'impacts de jets d'oeufs, stigmates d'affronts d'une rare violence entre les forces gouvernementales du Rectorat et les rebelles du FLBS (Front de Libération de la Sorbonne).


Le pillage est chose récurrente, la cooéprative étudiante a été littéralement mise à sac par un groupe affilié à la rébellion. "Ils ont tout emporté, même la machine à café!", nous conte Kévin, son ancien gérant encore traumatisé.
Les travailleurs humanitaires dépêchés sur place avouent leur effroi. Ce matin encore, ils ont fait la découverte macabre d'un charnier près de la cour Saint-Jacques. "Il y avait là des miliers tracts mutilés de militants de l'UNI..." résume Quentin Sauvequipeut de l'organisation Médecins sans Frontières.
Il flotte dans l'air un parfum de souffre. Les forces armées du Rectorat, qui se distinguent par leur cruauté, n'ont pas hésité à faire usage de gaz lacrymogènes pour étouffer les assaillants. Selon les émissaires d'Amnesty International et d'Human Rights Watch, cet usage est contraire au droit international, et demeure passible d'une sanction du Conseil de Sécurité de l'ONU.



Violence, barbouzes, et mercenaires
Depuis quatorze longues semaines, le conflit perdure et ne semble déboucher sur aucune issue, tant les bélligérants n'entendent rien se concéder. La situation s'est même envenimée quand le Rectorat pour faire plier la rebéllion a fait appel à un corps de mercenaires étrangers, les trop fameux Centaure. Organisation de type paramilitaire dont le siège social se situe aux Bahamas, elle recrute des soldats de fortune de par le monde, et qui pour certains d'entre eux, exercèrent leurs talents lors de guerres civiles sur le Continent Noir, ou en ex-Yougoslavie durant la guerre des Balkans.


La violence que nous évoquions plus haut atteint des proportions inouies. On cite assez souvent le cas d'un officier du rectorat, qui au cours d'une bataille rangée, a reçu en pleine tête un épais livre de philosophie.
La situation sanitaire est elle aussi calamiteuse. Les toilettes sur l'ensemble du site ne sont plus nettoyées, et les effluves qu'elles dégagent prennent à la gorge, ressemblant à celles d'un lendemain de Fête de la Bière à la Munich.



Propagande à tous les étages
Pour les journalistes, il demeure hardu d'exercer son métier, voire impossible de livrer l'information, au milieu de toute ce chaos. Un collègue américain de la chaîne de télévision CBS News m'a fait part de son émotion, regrettant au passage le temps où il officiait en Irak.
Il est aussi difficile de rencontrer en contact avec les groupes rebelles. C'est avec une précaution infinie que ces derniers nous reçoivent au sein de leur local. La fouille au corps et le bandeau sur les yeux sont de rigueur. On nous demande même d'éteindre nos téléphones pour ne pas que notre position soit reconnue par les satellites ennemis. L'ambiance qui règne en ces lieux est suffoquante. Une multitude de détails sordides, de rumeurs effroyables circulent à propos de l'endroit, où bacchanales, orgies et parties fines (où même les animaux sont conviés), sont choses courantes.

Le chef des rebelles, le caporal Lester nous reçoit avec enthousiasme, nous faisant même le privilège d'ôter sa cagoule pour nous saluer. Il nous certifie vouloir continuer la lutte jusqu'à son terme, c'est à dire jusqu'à l'éviction du rectorat de la faculté. Fierèment, il nous montre la casquette bleue arrachée au crâne d'un soldat gouvernemental pour nous prouver sa férocité et sa détermination. L'entretien s'interrompt de manière brutale. De toute évidence, le leader des rebelles, est gêné par certaines questions, qu'il esquive avec soin. Lorsque nous l'interrogeons sur les groupes de "commando-suicides" émergeant au sein de la guerilla, les trop fameux BIATOSS (Brigade d'Intervention Armée des Très Obstinés Serviteurs de la Subversion), nous pouvons lire l'embarras sur son visage.

Rentrés de la zone rebelle, nous nous dirigeons à présent vers le quartier général des forces gouvernementales. Le maréchal Luc nous reçoit à bras ouverts, accompagné de son adjointe, la sous-commandante Duval. Issus du groupe paramilitaire UFR (Unité Franchement Réactionnaire), le couple infernal nous exhibe fièrement la collection de keffiehs arrachés au cou de la Résistance. Pour eux, il ne fait aucun doute que le combat va trouver prochainement une issue, avec leur entière victoire. Sous escorte, ils nous entraînent jusqu'à une aile de l'université jonchée de canettes de bière et de mégots de cigarettes de marijuana pour nous convaincre de la barbarie de ceux qu'ils appelent affectueusement "les petits merdeux."

L'impossible sortie de crise
Tous les appels au calme lancés par la communauté universitaire n'ont eu aucun effet probant. Certains dénoncent la manipulation des rebelles par l'extrême gauche. D'autres préfèrent souligner la lâcheté politique et morale du rectorat acquis à la Baronne Pécresse.
Sur le terrain, les violences continuent. Toutes les tentatives de médiation ont lamentablement échouées.
Les vautours qui planent au dessus du ciel enflammé du Quartier Latin trouveront certainement de quoi combler leur macabre appétit.