samedi 28 mars 2009

Tout est bien qui finit (presque) bien


Les aventures de Jean-Sébastien Bienverni atteignent leur terme. Vous pouvez enfin soupirer, le dénouement est aussi proche que la misère qui nous guette tous en ces temps de joyeuses récéssions.

Une fois foulé le tarmac de Roissy, je n'ai pu m'empêcher de verser une larme. Il est heureux de rentrer au pays, comme un Ulysse après un très long voyage.

Louchenko est mort, après avoir ingurgité une tisane au polonium concoté par le soin de mes nouveaux amis russes et vénézuéliens. Me voilà donc libre de reconquérir le coeur d'Anna, ma perle du Caucase, ma louve des steppes enneigées, ma chienne de traîneau préférée. Quant à Clothilde Joufflue, mon étudiante-espionne de choc, elle a repris son activité au sein du comité de grève étudiant de la Sorbonne. En m'abandonnant à l'aéroport Charles de Gaulle, elle m'a confessé son désir de se fiancer avec le colonel Manzana, et de finir ses jours en sa virile compagnie dans une ferme biologique des Asturies.

J'ai appelé Kovacs à Abou Dabhi, pour l'avertir de la fin de mes tumultueuses péripéties. Au bout du fil, j'ai entendu un homme heureux. La conversation fut brève en raison de la petite sauterie organisée par l'antenne orientale de la Sorbonne. Une fête modeste pour fêter la fin de l'année scolaire (très raccourcie en ces contrées), et à laquelle participèrent moyennant finances ,Snoop Dogg, Puff Daddy, et Victoria Beckham. La présence de ces invités à la faible notoriété suffira à faire taire les rumeurs selon lesquelles le centre d'Abou Dabhi croule sous le fric sale, et a fortiori mal dépensé.

La rue Victor Cousin est toujours le théâtre du désordre. Ce qui j'ai honte de l'avouer, m'arrange. Pendant qu'étudiants, collègues et Biatoss se font gazer par la maréchaussée, ou perdent un oeil à la suite d'un tir de flash-gun, je peux passer des heures paisibles en compagnie d'Anna, qui occupe ces jours-ci la suite Pablo Escobar au Ritz. Je n'avais jamais soupçonné en moi tant de virilité, tant d'agilité à rendre femme heureuse. Comme quoi, les enseignants-chercheurs savent se défaire de l'austère réputation qu'on leur fait de manière éhontée, et montrer bien des talents dans d'autres domaines que ceux où ils exercent traditionnellement.

Me voici en revanche redevable envers les services secrets russes et vénézuéliens pour qui je sers désormais d'informateur privilégié. Je viens de leur envoyer mon rapport sur les historiens exerçant à la Sorbonne, avec somme d'informations croustillantes sur les moeurs totalement débridées de ces gens-là. On imagine pas comment ces esthètes peuvent s'avérer turbulents.

Ces dernières semaines m'auront appris une chose. Devant l'adversité, fuir et mauvais. Perdre son sang-froid alors que les choses sont toujours en mesure de s'arranger. Qu'une fois le plâtre enlevé, la rééducation est la bienvenue. Et que lorsqu'on se retrouve au chômage technique en temps de crise, il est bon de perdre son temps à autre chose que montrer au monde stupéfait le fruit de son imagination décadente.

Et qu'on ne devrait jamais quitter Montauban, non plus.


samedi 21 mars 2009

Moscou dans la tête

Notre ami Jean-Sébastien Bienverni connaît maintenant l'identité de l'homme qui a voulu attenter à ses jours. Décidé à défendre sa vie sans aucune crainte du ridicule, notre homme quitte une Sorbonne en proie à des luttes fratricides pour se faire justice. Le voilà donc en Russie, accompagné de Clothilde Joufflue, une étudiante au discours généreux en contradiction parfaite avec son comportement social.


Il faut se défaire des idées reçues. Le sexe faible émergeant en Europe centrale ou orientale ne se montre pas plus léger en matière de moeurs qu'ailleurs de par le Monde. Si Dieu a doté la femme d'un esprit si mince, comme me l'enseigna jadis l'exquis Pierre Chaunu, ce n'est pas tant par cruauté que par bonté. Du reste, la femme sait parfois se montrer digne, et élever son âme au dessus de l'évier où on la trouve généralement quand elle déserte la salle de bains.


Gare de Moscou. J'ai laissé Paris en proie au tumulte. La contestation au sein de la Sorbonne se radicalise, on y a vu des personnels BIATOSS s'immoler par le feu pour protester contre la précarité de leur statut. Avant que Clothilde ne vienne me chercher pour que nous prenions le Transibérien, j'ai eu une entrevue assez longue avec mon collègue Génome Grond'Eure. Hostile au blocage de l'université, mon ami contemporanéiste a fait le choix de former une milice qui assure la tenue des cours et moleste sans pitité tout gauchiste s'aventurant dans le Quartier Latin.
La violence a atteint son paroxysme, quand mon ami maître de conférences a étranglé de ses mains une étudiante en philosophie qui récitait les oeuvres complètes de Guy Debord et de Raoul Vaneigeim adossée à la statue de Louis Pasteur dans la cour d'honneur de la faculté.


Se défaire des idées reçues est un impératif auquel on ne peut soustraire. Au delà de l'aspect moral, remettre en cause ses préjugés peut être bénéfique, et permet à qui pratique cet exercice salutaire de ne pas passer pour un con. Avec ma chapka et mon manteau de fourure j'ai légèrement l'air d'un benêt, alors qu'un panneau numérique de la Gare de Kiev affiche 15 degrés Celcius.


Durant mon aventure ferroviaire, j'ai beaucoup devisé avec Clothilde. Cette dernière m'a fait part de sa volonté de poursuivre dans le futur une carrière universitaire. Sans réussite, j'ai tenté de l'en dissuader. Le métier d'universitaire est hardu, j'en veux pour preuve ma propre expérience. Le grand public ne s'imagine pas que les enseignants-chercheurs côtoient un danger permanent, en la personne d'émirs arabes, de top-model ukrainiennes ou des services secrets vénézuéliens. Si mon exemple peut contribuer à créer des vocations....



Je me serais cependant bien passé de toutes ces surcharges d'adrénaline.


Nous remontons désormais l'avenue Yvan Rebroff à bord d'un taxi dont le chauffeur, une épaisse brute au teint rosé, ne peut s'empêcher de conduire sans le secours d'une bouteille de Poliakoff qu'il vide de façon goulue. Arrivés à l'hôtel Andropov, nous investissons notre suite qui à elle-seule pourrait contenir les habitants de Pékin et de sa proche banlieue. Je plaisante, mais la superficie est telle que nous sommes obligés de prendre une voiturette de golf pour nous rendre de l'entrée jusqu'à notre chambre.
Officiellement Clothilde et moi sommes en couple. Ce qui ne me ravit guère, non pas que mon amie soit laide, mais la forte odeur de Larzac qui se dégage de ses pieds lorsqu'elle ôte ses bottes a de quoi effrayer le naseau, même le plus insensible.


Je ne peux m'empêcher de penser à Anna, qui à cette heure-ci doit être entre les griffes de ce taré de Louchenko.



Clothilde et moi quittons l'hôtel pour nous rendre au consulat général du Vénézuela, qui se situe près de la Place Lénine, non loin de l'Avenue Brejnev et du carrefour des partisans. Là bas, nous croisons un autre citoyen français en la personne de Daniel Mermet, ici en ami. Le colonel Manzana nous conduit dans une pièce à l'écart afin de nous aviser du plan qu'il a échaffaudé pour tuer Louchenko. Ce dernier est devenu personna non grata au Kremlin. Monsieur a en effet osé regarder Madame Poutine plus de quinze secondes dans les yeux lors du dernier congrès du Parti Notre Russie. Autant dire qu'il est condamné à une mort certaine, mort que je ne me priverais pas de lui infliger, à moins qu'une autre péripétie ne vienne m'en empêcher.








vendredi 20 mars 2009

Abou de souffle

Les ennuis s'accumulent pour Jean-Sébastien Bienverni, professeur d'histoire moderne à la Sorbonne. Traqué par un oligarque russe jaloux, chassé de son domicile par sa compagne, notre homme va-t-il enfin déjouer le complot dont il est la victime?

L'archevêque de Caracas, Monseigneur Ramon Mosquito, était un homme respecté pour sa droiture morale. Il était cependant très mal vu au Vatican, où la curie songeait sérieusement à son éviction ainsi qu'à son excommunication.

Il est vrai que ses prises de position avaient de quoi heurter la sensibilité papale. Lors des offices qu'il donnait à la cathédrale San Ignacio de la capitale vénézuelienne, monseigneur préférait distribuer des préservatifs plutôt que des osties à des ouailles ébahies devant tant d'audace.

Sa sainteté avait été convoqué à Rome après cet épisode. Suppliant la curie pontificale de le maintenir en place, il se vit notifier son renvoi de l'église apostolique romaine, avec obligation de céder à son remplaçant son logement et son Audi TT de fonction.

Désormais, Monseigneur Mosquito est converti au bouddhisme, et déambule le crâne chauve et la soutane orange de par le monde. De passage à Paris pour la promotion de son nouvel ouvrage "Bouddha au Cumin", il se rendit à la Sorbonne où il devait donner un colloque sur la réincarnation.


Hélas pour lui, la faculté en proie à un mouvement contestaire où étudiants et enseignants manifestaient main dans la main pour l'abrogation de lois crapuleuses sur l'université.

L'homme visita donc la capitale au lieu de distiller de la spiritualité bon marché. Il s'extasia dans un bâteau mouche, pleura à Montmartre, et ricana à Saint Placide.

Tard dans la nuit, il regagna sa chambre au Lutecia après une soirée arrosée au Lido. Plutôt que d'y trouver un sommeil réparateur, il y trouva la mort. Clothilde Joufflue l'attendait ici, et l'exécuta pour le compte des services secrets vénézuéliens. L'étudiante altermondialiste, bisexuelle, et végétarienne se montra d'une certaine cruauté envers l'ancien archevêque. Elle l'assomma à coup de mignonettes trouvées dans le mini-bar de la chambre avant de l'égorger sournoisement façon FLN.

Ramon Mosquito était devenu gênant pour le pouvoir en place à Caracas. Plusieurs années durant il avait recueilli les confessions des principaux caciques du régime. Il avait absous certains délits non sans une certaine retenue: "Monseigneur, j'ai détourné l'argent de la manne pétrolière pour agrandir mon Hacienda", "Monseigneur, il m'arrive de jouer à la belote contrée avec les chefs des FARC", "Monseigneur, je confonds l'argent public avec le mien"...

Il fallait que la République Bolivarienne du Vénézuela continue à fasciner en Europe parmi les gauchistes et d'autres gogos, quitte à ce que le sang coule.

Clothilde Joufflue remplit parfaitement donc cette macabre mission. Après son forfait, elle alla boire un mojito dans une boîte latina de Saint-Michel avec son agent traitant. Ellle obtint de lui quelques précieuses informations sur Mikhail Louchenko, le milliardaire russe qui voulait tuer l'ami Bienverni. Demain matin, elle irait arracher le professeur d'histoire Moderne de la Sorbonne pour le conduire à Moscou, où des aventures extraordinaires s'offriront à eux.

L'homme qui enseignait trop peu

Suite de votre feuilleton.
Enseignant chercheur à la Sorbonne, Jean-Sébastien Bienverni, a accepté d'exercer son métier dans l'antenne d'Abou Dahbi. Deux semaines durant, il a gouté au faste de l'émirat, et il en est revenu avec une montagne de problèmes...




"Cougnamamao, sal' béké!"

Ne parlant pas le créole, je me trouve comme dubitatif face aux propos de mon ami Romain Belliez.
Venu lui demander de l'aide alors que je me sens menacé, mon collègue me laisse seul face au danger. Ce dernier est désormais engagé dans un processus révolutionnaire, et entreprend de renverser le régime en France. Tandis que j'effectuai mon stage à Abhu Dabi, Romain Belliez était lui à la Guadeloupe, où il prit des leçons de grève générale au sein du Elie Domota Institute. Désormais membre de la Cellule Cévenole pour le Communisme, le médiéviste chéri de ces dames a fait le choix d'entrer dans la clandestinité. Il ne peut donc m'aider, il me faudra donc trouver âme généreuse ailleurs. Du reste, mon collègue fut échaudé par le récit des mes récentes aventures. A peine lui avais-je annoncé que j'avais foulé le sol d'Abhu Dabi qu'il m'expédiât une biographie de Charlemagne par Jean Favier dans la face. 569 pages en pleine poire, je m'en sors avec un joli cocard. Sous le pavé, la rage.

La Police française était venue me poser quelques questions à mon retour de la péninsule arabique. Elle me proposa une protection, suite au mitraillage en règle que j'avais subi. J'ai accepté sans enthousiasme, tout en me méfiant. Si la maréchaussée s'intéressait de trop près à mon rythme de vie dans l'émirat, certain qu'elle m'aurait posé des question embarrassantes, et aurait compromis mon honneur déjà chancelant. Las! Je ne peux compter que sur moi-même.

Gwen à mon retour me fit un accueil très frais. J'avais pillé le Duty Free de l'aéroport, dans l'espoir de la ravir, mais ni les volumineux flacons de Chanel, ni les sacs Vuitton ne suffirent à la rendre heureuse. Quand elle découvrit les nombreuses marques de griffes sur mon dos conséquentes à mes ébats nocturnes torrides avec ma perle moscovite, elle pleura à chaudes larmes avant de me renvoyer à la rue.

Me voilà donc totalement livré à moi-même, menacé par des inconnus redoutablement armés. Heureusement, il me reste quelques pétrodollars, des vêtements neufs, et un Iphone tout neuf dont je ne sais pas encore me servir.

J'occupe désormais un bureau au Centre Roland Mousnier. Je dors sur mon lieu de travail, enveloppé dans un duvet, comme une saucisse dans un hot-dog. Chaque matin, je suis reveillé par Brigitte, la secrétaire, dont les effluves de parfum bon marché ainsi que la pauvreté d'esprit m'irritent profondément.

Pour m'aider à décourvir mes poursuivants, j'ai appelé Kovacs à Abou Dahbi, qui a mené sur le terrain sa propre enquête. Il m'a conseillé de me rabattre sur une étudiante en histoire présente à la Sorbonne. Cette dernière répondait au nom de Clothilde, et avait étudié l'an dernier sur l'antenne orientale de notre université. Altermondialiste, végétarienne, et proche des services secrets vénézuéliens, elle pourrait m'aider à connaitre les auteurs du complot.

J'ai rencontré cette dernière dans un café du quartier Latin. Ayant activé ses réseaux jusque dans le cercle proche d'Hugo Chavez dont elle était la maitresse occasionnelle, elle parvint à me décliner l'identité de celui qui m'en voulait. Bigre! L'amant régulier d'Anna ne m'avait pas pardonné d'avoir levé l'oeil sur la perle aux yeux de biche, et au corps de déesse.

Ainsi donc, j'étais traqué comme une bête sauvage, destinée à avoir ma tête en trophée dans le salon d'un riche oligarque russe. Mikhail Louchenko, qui blanchit des armes ou trafique de l'argent, je ne sais plus trop, attend paisiblement dans sa datcha que l'on me tue.

On ne devrait jamais aller à Abou Dahbi. On ne devrait jamais quitter Montauban, non plus.

Suite au prochain épisode.

Tempête dans le désert





Kovacs entra dans ma chambre sans la courtoisie élémentaire de frapper à la porte.
Son visage était en sueur, sa mine hagarde, on eut dit qu'il avait croisé le chemin de la mort, peu avant de me solliciter.
Sans dire un mot, il posa avec fracas sur le lit de ma chambre, un attaché-case qu'il ouvre après avoir composé le code.
Il en extraya une liasse épaisse de billets verts.
-Voilà vos 5000 euros. Ton avion pour Paris part demain matin à 11 heures. Une berline viendra te chercher, et te conduira à l'aéroport. Nous espérons tous que vous avez passé ici un agréable séjour.
-Très agréable, mon cher Kovacs, mais dites moi, vous me semblez bien inquiet.
-Ne vous inquiétez pas, Professeur. J'ai juste eu le sentiment d'être suivi en venant jusqu'ici.
-Suivi? Avez-vous des problèmes mon ami? Demandai-je.
-Ce doit être encore cette enseignante en Histoire Médiévale qui me traque depuis quinze jours. J'ai beau lui avouer que notre amour est impossible, rien à faire. Sincèrement, croyez-vous qu'un ancien légionnaire qui a joué les mercenaires en Irak, puisse plaire à une femme précieuse?
-Ici, rien n'est possible, vous devez le savoir mieux que moi.
-Welcome to Abhu Dabhi, Mister! Renchérit Kovacs.

L'appariteur de l'antenne de la Sorbonne dans la péninsule arabique est resté quelques temps bavarder avec moi dans la chambre. À deux, nous avons vidé une bouteille de Brandy tout en nous délectant d'un excellent cigare de marque Montecristo. Une fois le barbouze parti, j'ai ôté mon costard trois pièces de marque Smalto, et me suis plongé dans le jacuzzi de ma salle de bain toute faite de marbre de Carrare.
Un verre de champagne à la main, j'ai devisé dans l'eau tiède du bain plusieurs heures durant. Je me souviens des réticences que j'avais à venir ici. Ma conscience allait en souffrir, pensai-je.
Et puis, celle-ci s'est très bien accommodée de cette situation. Pensez-y, deux semaines tous frais payés, pour enseigner l'histoire à des fins de race d'émirs, il y a pire comme situation.
J'allume le téléviseur plasma installé au dessus du miroir de la salle de bains, et voit sur Al-Jazeera, des images de Paris, où les cortèges d'universitaires battent le pavé contre les réformes scélérates de Valérie Pécresse dans l'enseignement supérieur. Et soudain, je regrette presque d'être ici, à me pavaner dans un décor fastueux, alors que mes collègues de la métropole souffrent.

Il est bientôt 19 heures, et me voici à méditer sur mon sort, au quarantième étage de l'hôtel Plazza d'un émirat minuscule mais très riche. J'ai pris gout au luxe depuis mon arrivée ici, et ce soir j'ai rendez-vous avec Anna Petrovskaia, la maitresse d'un oligarque russe qui a échouée ici pour se ressourcer entre deux défilés de mode à Londres et Berlin.
Depuis cette soirée torride, où nous nous sommes rencontrés au bar de l'hôtel, nous ne nous quittons plus. Il m'arrive à la nuit tombée de la rejoindre dans sa chambre, et d'avaler des grains de caviar sur son corps divin.
Jean-Sébastien, me dis-je, c'est vilain ce que tu fais là. À Paris, Gwendoline t'attend. La pauvre enseigne dans le secondaire, passant ses journées à se faire insulter dans un lycée de banlieue par toute une horde de sauvageons. Et toi, tu la trompes avec une splendide ukrainienne, te vautre dans le luxe de façon coupable, et trahis ta corporation pour quelques pétrodollars.
Gwen, c'est pour le bien de notre couple que je suis ici. Une fois rentré en France, avec ma liasse de biffetons verts, nous pourrons souffler un peu financièrement.

Il est deux heures du matin, et je ne trouve pas le sommeil. Anna m'a copieusement essoré ce soir. Allongée près de moi, mon amie est plongée dans un profond sommeil. Ce soir, elle m'a fait découvrir les joies de la colombienne, et me voici déambulant dans ma chambre dans un état second. Je trouve enfin le sommeil, après avoir allumé deux cierges sous l'autel de fortune que j'ai confectionné à l'attention de Jean-Robert Pitte, l'ancien président de la Sorbonne, qui a eu la bonne idée d'ouvrir un centre ici. À Abhu Dabhi, j'ai prié pour vous, Jean-Robert!
Cette nuit-là, j'ai fait quelques cauchemars. Rien de bien grave, je me suis juste souvenu que fut un temps j'avais de l'amour-propre, et des principes. Époque révolue.
Le lendemain matin, Kovacs est venu prendre le petit déjeuner à l'hôtel en ma compagnie. J'ai juste un peu de mal à terminer le homard que mon ami Omar me servit après la douzaine de macarons que je me suis enfilée.

Sur la route de l'aéroport, je suis pris d'une certaine mélancolie. Quitter cet endroit me plonge dans le désarroi, bientôt Paris et ces étudiants débiles, me dis-je.
Alors que je demandai à Kovacs d'accélérer quelque peu pour éteindre ma torpeur spirituelle, un quatre fois quatre blindé qui roulait à notre niveau nous fait une queue de poisson avant de nous arroser au fusil mitrailleur.
À ce moment-là, je me demande qui peut bien m'en vouloir, à moi, Jean-Sébastien Bienverni, professeur d'histoire Moderne à la Sorbonne. La voiture dans un ravin ensablé, je remercie le ciel d'être en vie. Mais qu'adviendra-t-il ensuite? La suite au prochain épisode.