jeudi 18 février 2010

Supplique à Lulu


A quoi postules-tu Lulu?
A devenir pisse-copie? Tu n'es pas sérieuse! Journalisse'? La Presse? Faut-il qu'on te refasse la démonstration de la petitesse de cette corporation?! Que dis-tu? Tu veux l'infiltrer, et la réformer en profondeur? Mais elle est pourrie jusqu'au fond du trou du cul. Ce serait une entreprise dérisoire. Ubuesque, même. Détenir une carte de presse, c'est le sésame de l'étroitesse d'esprit, la servilité homologuée!
Il faut crouter, c'est certain. Entrer dans la carrière, quand nos aînés n'y seront plus. Pas certain qu'on retrouve la trace de leurs vertus, mais pour ce qui est de leur encombrante poussière...
Tu tiens vraiment à y pénétrer, toi, dans le Monde du Travail, comme ils disent? Tu ne préfèrerais pas être bohémienne des fois? Saltimbanque? Arpenter les routes. Le monde est vaste, à ce que l'on peut croire. L'aliénation, ma petite, on ferait mieux de la fuir, plutôt que d'y sombrer tête baissée. Allez, reprends-toi Lulu!

Quoi? Je le sais... Que tu ne te prénommes pas Lulu. C'est pour protéger ton anonymat, mon petit chou. Car, sans trop te connaître, tu m'es sympathique. Ton minois, je ne l'ai toujours vu que irradié par un sourire large, laissant entrevoir une jolie dentition. Ton petit air mutin, si plaisant à contempler, quand les autres ne savent que tirer la tronche... Tes petits cheveux bouclés! C'est un atout ravissant, cet ordonnancement capillaire! Je sais de quoi je cause...
Et je n'aimerais pas qu'on dise des méchancetés sur ton compte. Qu'on te décrive comme une arriviste forcenée. Qu'on déniche chez toi une petite once de médiocrité! Avec un sourire pareil, la chose n'est pas permise!
Reviens au bercail Lulu! Aux séminaires quoi... Les cours, tout ça... Tu es encore inscrite à la fac je crois?! Et pas seulement pour empocher la bourse, et avoir la mutuelle, hein?! Ne viens pas valider les poncifs des vieilles badernes qui veulent transformer notre Sorbonne, en fabrique, réduite à produire de la chair à patron! Pas toi... Et cesse d'entraîner dans tes petits élans mes camarades, hein! Je te vois, tu sais...

On va commencer doucement... Par une phase de rééducation intellectuelle. Le terme est sauvage, et renvoie à l'expérience au succès contrasté du président Mao, mais force est de constater qu'une révolution culturelle s'impose! Répète après moi: "Les Médias Mentent!". Force toi un petit peu, je te demande pas de me réciter la Divine Comédie!
Allez ma chérie... Carapate-toi loin de ce vilain monde! Du vieux monde! Qui n'attend qu'une seule chose! Que tu lui portes le coup de grâce!

Bon, on est d'accord, à présent. Il va aussi falloir que tu te mettes au chant lyrique, au théâtre, et à de saines activités. Jette-moi cet I-Phone! Il va falloir que tu redécouvres la paresse, cet état qui prélude à l'enrichissement de l'âme. Que tu fasses de ta vie, autre chose qu'un spectacle, où tu soies obligée de composer. Quelque chose de fougueux, de flamboyant. Envolons-nous à Ipanema! Tentée par un petit cocktail, un peu de soleil? J'imagine ta frêle silhouette, déambuler le long de la plage, les tongs à la main. Une petite chemise en lin sur les épaules, les pattes découvertes... Et là, j'ai envie de croire en Dieu, où à ce qu'il en reste.

Volupté, ma petite, volupté... Ce n'est pas un pêché. Imitons la Perle. Cette comparse partie sous d'autres cieux. Je protège aussi son anonymat. D'autant qu'à l'heure actuelle, je la sais en Colombie. Et ça me chagrinerait de la savoir entre les mains des Farcs ou des Paras, ou des Narcos, ou d'Uribe. Une étudiante comme toi, qui ne se refuse pas à l'aventure! Foutrement plus riche que de se farcir le journal télévisé dans un coin reculé de notre Pays, histoire de démontrer, que ce média est à chier, et que la Presse Internet où tu piges vaut mieux.

Allez, chérie, un dernier effort. Tu déboutonnes ton chemisier... Tu as chaud?? Moi aussi, tiens. Le Vieux Monde peut nous attendre. On est tellement plus à l'aise sous la couette.