samedi 21 mars 2009

Moscou dans la tête

Notre ami Jean-Sébastien Bienverni connaît maintenant l'identité de l'homme qui a voulu attenter à ses jours. Décidé à défendre sa vie sans aucune crainte du ridicule, notre homme quitte une Sorbonne en proie à des luttes fratricides pour se faire justice. Le voilà donc en Russie, accompagné de Clothilde Joufflue, une étudiante au discours généreux en contradiction parfaite avec son comportement social.


Il faut se défaire des idées reçues. Le sexe faible émergeant en Europe centrale ou orientale ne se montre pas plus léger en matière de moeurs qu'ailleurs de par le Monde. Si Dieu a doté la femme d'un esprit si mince, comme me l'enseigna jadis l'exquis Pierre Chaunu, ce n'est pas tant par cruauté que par bonté. Du reste, la femme sait parfois se montrer digne, et élever son âme au dessus de l'évier où on la trouve généralement quand elle déserte la salle de bains.


Gare de Moscou. J'ai laissé Paris en proie au tumulte. La contestation au sein de la Sorbonne se radicalise, on y a vu des personnels BIATOSS s'immoler par le feu pour protester contre la précarité de leur statut. Avant que Clothilde ne vienne me chercher pour que nous prenions le Transibérien, j'ai eu une entrevue assez longue avec mon collègue Génome Grond'Eure. Hostile au blocage de l'université, mon ami contemporanéiste a fait le choix de former une milice qui assure la tenue des cours et moleste sans pitité tout gauchiste s'aventurant dans le Quartier Latin.
La violence a atteint son paroxysme, quand mon ami maître de conférences a étranglé de ses mains une étudiante en philosophie qui récitait les oeuvres complètes de Guy Debord et de Raoul Vaneigeim adossée à la statue de Louis Pasteur dans la cour d'honneur de la faculté.


Se défaire des idées reçues est un impératif auquel on ne peut soustraire. Au delà de l'aspect moral, remettre en cause ses préjugés peut être bénéfique, et permet à qui pratique cet exercice salutaire de ne pas passer pour un con. Avec ma chapka et mon manteau de fourure j'ai légèrement l'air d'un benêt, alors qu'un panneau numérique de la Gare de Kiev affiche 15 degrés Celcius.


Durant mon aventure ferroviaire, j'ai beaucoup devisé avec Clothilde. Cette dernière m'a fait part de sa volonté de poursuivre dans le futur une carrière universitaire. Sans réussite, j'ai tenté de l'en dissuader. Le métier d'universitaire est hardu, j'en veux pour preuve ma propre expérience. Le grand public ne s'imagine pas que les enseignants-chercheurs côtoient un danger permanent, en la personne d'émirs arabes, de top-model ukrainiennes ou des services secrets vénézuéliens. Si mon exemple peut contribuer à créer des vocations....



Je me serais cependant bien passé de toutes ces surcharges d'adrénaline.


Nous remontons désormais l'avenue Yvan Rebroff à bord d'un taxi dont le chauffeur, une épaisse brute au teint rosé, ne peut s'empêcher de conduire sans le secours d'une bouteille de Poliakoff qu'il vide de façon goulue. Arrivés à l'hôtel Andropov, nous investissons notre suite qui à elle-seule pourrait contenir les habitants de Pékin et de sa proche banlieue. Je plaisante, mais la superficie est telle que nous sommes obligés de prendre une voiturette de golf pour nous rendre de l'entrée jusqu'à notre chambre.
Officiellement Clothilde et moi sommes en couple. Ce qui ne me ravit guère, non pas que mon amie soit laide, mais la forte odeur de Larzac qui se dégage de ses pieds lorsqu'elle ôte ses bottes a de quoi effrayer le naseau, même le plus insensible.


Je ne peux m'empêcher de penser à Anna, qui à cette heure-ci doit être entre les griffes de ce taré de Louchenko.



Clothilde et moi quittons l'hôtel pour nous rendre au consulat général du Vénézuela, qui se situe près de la Place Lénine, non loin de l'Avenue Brejnev et du carrefour des partisans. Là bas, nous croisons un autre citoyen français en la personne de Daniel Mermet, ici en ami. Le colonel Manzana nous conduit dans une pièce à l'écart afin de nous aviser du plan qu'il a échaffaudé pour tuer Louchenko. Ce dernier est devenu personna non grata au Kremlin. Monsieur a en effet osé regarder Madame Poutine plus de quinze secondes dans les yeux lors du dernier congrès du Parti Notre Russie. Autant dire qu'il est condamné à une mort certaine, mort que je ne me priverais pas de lui infliger, à moins qu'une autre péripétie ne vienne m'en empêcher.








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire