Selon Ivan Oulianov Al-Zarqawi, tous les maux de l'humanité s'expliquaient. Un seul phénomène était à l'origine des désordres ébranlant le monde: le sionisme.
-Ivan Oulianov, j'ai mal au dos... J'ai du dormir dans une mauvaise position!
-Non, non... Cherche pas, c'est le SIONISME!
Ainsi l'étudiant russo-syrien arrivait-il à mettre un nom sur ce qui minait l'âme de ses amis.
Tapis dans l'ombre, les sionistes dominaient le monde, s'enrichissaient sur le dos des miséreux, et sapaient par leur emprise, l'expression de tous les particularismes identitaires et régionaux. La globalisation, l'économie financiarisée, étaient leur oeuvre.
Et c'était toujours plus au moins de la faute d'un médecin épris des préceptes de Théodore Herzl si des pandémies meurtrières ravagaient des continents entiers.
L'ordre mondial qu'il stigmatisait constituait à ses yeux une entreprise sournoise visant à placer nos esprits et nos corps sous la coupe réglée d'une minorité de génocidaires plus ou moins avoués.
Notre ami se défendait d'être antisémite. Réflexe commun à toute la plèbe des vindicatifs, il se justifiait en aguant qu'il comptait nombre de camarades juifs.
-Oui, les youpins, j'en connais des sympas!
Il était fréquent que l'étudiant mît mal à l'aise ses contemporains. La sympathie qu'il témoignait pour la clique obscurantiste du régime iranien, en faisait glousser plus d'un. Tout comme le badge avec le portrait de Mahmoud Ahamdinejad qu'il arborait à sa veste en toutes circonstances.
-C'est un fou le barbu! Il pend les homosexuels, il est négationniste, et truque les élections d'une façon encore plus visible que la société Endemol!
-Peut-être... Mais il est souriant, affable, et aime son peuple! Vous êtes trop "occidentalistes", vous autres bien-pensants.
La bien-pensance était pour lui la pire faute de goût. On pouvait se balader, enfoncé dans un loden au mois d'août, avoir à ses pieds des chaussettes en dessous des sandales, et être coiffé d'une coupe "mulet", pourvu que l'on déteste conjointement l'Oncle Sam, Israël, et les baklavas de fabrication industrielle, on était digne de demeurer en sa compagnie et d'avoir son estime entière.
L'étudiant dont la chambre était tapissée de posters scintillants à l'éffigie de personnages haut en couleurs tels Vladimir Poutine, ou l'humoriste Dieudonné, vit pourtant un jour se braquer contre lui nombre de ses camarades d'infortune.
A une soirée de fin d'année scolaire organisée sur les quais de Seine, il vida à lui seul une bouteille de vodka et but au goulot d'une seule traite une autre de tequila.
-Ivan, t'es un gros dégueulasse, t'aurais pu nous en laisser...
-C'est pas moi, j'vous dis, c'est pas moi.... C'est le sionisme!!!!
Pourtant ce soir-là, on peina à constater la présence d'un agent du Mossad au niveau de la faculté de Jussieu.
On objectera que notre ami est légèrement paranoïaque, voire de mauvaise foi. Ce serait lui faire un mauvais procès.
Je connais bien ce Ivan.
RépondreSupprimerC'est quelqu'un de cultivé et d'intelligent. Il est en plus doté d'un charme arabo-slave quasi-irrésistible.
Il ne boit pas tant que cela. Ce soir là, il avait surtout bu du vin d'ailleurs. Les sionistes ont dû boire la vodka.
Je trouve que ta carricature est légèrement malhonnête. Il n'a jamais tenu de tels propos. Tu exagères tout simplement parce que l'idée qu'un antisionisme réfléchi puisse exister t'insupporte. Il n'est pas antisémtite, non pas parce qu'il compte parmi ses amis des "youpins", il en connaît très peu en fait. Mais parce qu'il a vécu dans une société où l'antisémitisme était tellement naturel que son esprit de contradiction l'a rendu quasiment philosémite.
Il a lu Kafka mais déteste Gainsbourg, il apprécie Chomsky mais vomit Lévy, il a du respect pour Brauman et n'éprouve que du mépris pour Kouchner. Comme Nabe, il te dira "ça dépend des juifs". L'occidental a bien le droit d'aimer l'Arabe quand il est clown mais jamais quand il pense!
Enfin, sache qu'Ivan croit en l'individu. Il aime ses amis non pas quand ils sont antisionistes, mais quand ils sont ses amis. Il vomit Israël tout simplement parce que finalement lui aussi il est un peu bien-pensant: quand il voit des hommes et des femmes, des enfants et des vieillards, parqués, affamés, assoifés puis bombardés, il ne peut s'empêcher d'avoir de la peine, de se révolter contre l'odre établi qui laisse cela impuni... Il te laisse le Darfour et le Tibet puisque Lévy et Cohn-Bendit ont décidé qu'il s'agissait de causes autrement plus urgentes.
Bref, tout cela ne l'empêche pas d'avoir de l'humour.
Ivan est quelqu'un de bien qui ne respecte pas les limites que la société lui impose. Si seulement il y avait plus d'étudiants comme lui, et moins d'enculeurs de mouches...